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connaitreetapprendre
24 avril 2016

HISTOIRE DE FRANCE PAR LES TIMBRES : RENAISSANCE (LITTERATURE ET SOCIETE)

RABELAIS

Rabelais est né à Chinon. 0n ne sait pas la date précise de sa naissance, qu'on à fixée en 1483, en 1490 et en 1495 La date de 1490, donnée par Guy Patin, est celle qui nous paraît devoir être adoptée de préférence. 1519-1524, L'existence de Rabelais est saisie pour la première fois dans un document contemporain en 1519.Un acte d' achat de la moitié d' une auberge à Fontenay-le-Cômte, par les religieux franciscains du couvent de cette ville, passé le 5 avril de cette année, porte les signatures d' une douzaine de moines et entre autres, celle de François Rabelais. Ainsi le futur auteur Gargantua et de Pantagruel nous apparaît d' abord sous le froc du frère mineur ou du cordelier. Par sa supplique au pape Paul Ill, Rabelais nous apprend, en effet qu' il avait reçu, dans cet ordre,la prêtrise et exercé les fonctions sacerdotales.

Rabelais, pendant q' il était.dans ce couvent, se livra à des grands travaux d' érudition.Il apprit le grec, étudia le droit, acquit des connaissances en histoire naturelle et en médecine et se pourvut enfin de cette science encyclopédique à laquelle prétendaient les docteurs de la Renaissance.

Il y avait là, dans ce monastère de Fontenay -le-Comtë, quelques moines studieux comme Rabelais; 1'un d'eux , Pierre Amy, était en relations avec le.célèbre Helléniste Guillaume Budée. Rabelais, par le moyen de son confrère, entre en correspondance avec ce haut personnage.Deux lettres de Budée, l'une presque entièrement grecque, l'autre grecque et latine lui sont adressées personnellement;et de plus, quand Budée écrit à Pierre Amy, il ne manque pas d'ajouter un mot à l'intention de Rabelais : "Saluez de ma part votre frère en religion et en science Rabelais," ou encore : " Adieu, et saluez quatre fois en mon nom le savant et gentil Rabelais, ou de vive voix, s'il est près de vous ou par, missive, s'il est absent".

Les doctes religieux de Saint-Francois avaient, en outre, des amitiés assez considérables, soit dans la ville de Fontenay, soit dans la province.Ils formaient une société étroite avec André Tiraqueau, juge,puis lieutenant au bailliage de Fontenay, avec Aimery Bouchard, président de Saintes, et faisaient cause commune avec les savants que le jeune évêque de Maillezais, Geoffroy d'Estissac, leur voisin se plaisait à réunir autour de lui. Dans ces années de 1520 à 1524, Rabelais sort à nos yeux de l'obscurité qui l'a environné jusqu'alors. Il figure très honorablement dans ce groupe d' érudits. On le cite avec de constants éloges. Une controverse s' élève entre Bouchard et Tiraqueau à propos d'un traité de ce dernier De legibus connubialibus.

L' autorité de Rabelais est plusieurs fois invoquée par ces Jurisconsultes.Tiraqueau cite une traduction du premier livre d'Hérodote que Rabelais avait faite et il parle de lui en ces termes expressifs: « Homme, dit-il, d'une habileté consommée dans les langues latine et grecque et dans toutes les sciences, au delà de ce qu 'on attendrait de son âge et en dehors des habitudes, pour ne point dire des scrupules excessifs de son ordre. »

Ces scrupules excessifs qui régnaient dans l'ordre ne tardèrent pas à susciter des persécutions aux savants cordeliers. L'étude du grec était alors suspecte aux théologiens; elle indiquait une tendance à la rébellion de l'esprit et aux idées de la Réforme. Les supérieurs voulurent sévir contre l'hellénisme de Pierre Amy et de Rabelais. Des perquisitions furent faites dans leurs cellules. Livres et papiers furent confisqués. Les deux religieux se cachèrent et bécrivirent à Guillaume Budée, qui était le protecteur naturel de tous les hellénisants, pour lui demander son appui. Les lettres que ce savant adresse à Pierre Amy et à Rabelais réduisent toute cette affaire à ses véritables proportions. Avant d'avoir eu besoin d'user de son influence en leur faveur,il a appris que l'orage s'est calmé : les persécuteurs ont renoncé à leur entreprise, lorsqu'ils ont été averis qu'ils se mettraient en opposition avec des personnages éminents et avec le roi lui-même. Les livres confisqués ont été restitués à leurs propriétaires et ceux-ci rétablis dans leur tranquille liberté première.

L'évêque de Maillezais avait eu probablement la plus grande part à cette pacification.Il trouva un moyen de soustraire définitivement Rabelais à ces vexations : il obtint du pape Clément VII un indult qui autorisait celui-ci à passer de l'ordre de Saint-François dans l'ordre de Saint Benoit, et du couvent de Fontenay-le-Comte dans l'abbaye de Maillezais.

1524, Rabelais devint alors l'hôte et le commensal habituel de Geoffroy d'Estissac. Il noua de nouvelles et honorables relations, notamment avec Jean Bouchet. Il demeura à Maillezais plusieurs années, puis, rejetant le vêtement monastique et prenant l'habit de prêtre séculier il s' élança à travers le monde, per abrupta seculi.

1525, Rabelais à la recherche d' un refuge propice au travail intellectuel, suit Geoffroy d' Estissac en Périgord et en Poitou. On le retrouve en particulier au prieuré de LIGUGE(ancienne abbaye), où il a travaillé dans une Tour qui aujourdh'ui porte son nom. Rabelais alors moine bénédictin de la cathédrale de Maillezais, vécut quelques temps à Ligugé, d'où il envoya à Jean Bouchet, procureur à Poitiers et historien, une lettre datée "A Ligugé ce matin de septembre, sixième jour, en ma petite chambre"...... qui est la premère oeuvre connue de l'auteur de Pantagruel.Rabelais conserva de Ligugé un agréable souvenir. En 1536, envoyant à d'Estissac des graines d'Italie, il lui rappela que les salades de Ligugé sont aussi bonnes et plus douces et aimables à l'estomac que celles de Naples.Ecrivant son Gargantua, Rabelais fit boire à son géant du vin de Ligugé, et, au chapitre IV du tiers livre, le juge Perrin Dandin est laboureur et chantre au lutrin de Smarves, village distant de Ligugé de deux kilomètres.Tous les noms de hameaux voisins: Aigue, Croutelle, La Motte, Mezeaux, Toulneroux, se retrouvent dans l'oeuvre célèbre et démontrent que Rabelais dut séjourner assez longtemps à Ligugé pour en connaître aussi bien les alentours.

1530-1531, Il est à Montpellier en 1530. Il se fait inscrire sur les registres de la Faculté de médecine le 16 septembre de cette année, et, le ler novembre suivant, il est promu au grade de bachelier,ce qui prouve qu'il était arrivé en cette ville armé de toutes pièces, et qu'il n'avait qu'à obtenir pour ses ses connaissances acquises la consécration des diplômes officiels. A la fin de cette année et au commencement de l'année suivante, il fait avec beaucoup de succès un cours public sur les Aphorismes d'Hippocrate et sur l'Ars parva de Galien. Pendant son séjour à Montpellier, il prend part, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, à des représentations comiques, et joue, avec quelques compagnons d'études, "la morale comédie de celuy qui avoit espousé une femme mute (muette)".

A la fin de 1531 ou au commencement de 1532, il est à Lyon. An mois d'octobre 1532 il est attaché comme médecin à l'Hôtel-Dieu de cette ville à raison de quarante livres par an.Nous le voyons, en cette même année, multiplier tout à coup les publications. Il met au jour une édition des Lettres médicales de Giovanni Manardi, de Ferrare, avec une dédicace latine à André Tiraqueau judici æquissimo apud Pictones. Il édite les Aphorismes d'Hippocrate et l'Ars parva de Galien en un volume in-16. L'épitre dédicatoire est adressé à Geoffroy d'Estissac, évêque de Maillezais.Il fait imprimer une plaquette sous ce titre - Ex reliquiis venerandæ antiquitatis: Lucii Cuspidii testamentum.Iten contractus venditionis, antiquis Romanorum temporibus initus. Il dédie cette publication à Aimery Bouchard, devenu conseiller du roi et maître des requêtes. Rabelais, en présentant ce testament et ce contrat de vente comme des monuments de l'époque romaine, était dupe d' une supercherie; ces textes étaient apocryphes ; Pomponius Loetus et Jovianus Ponltanus les avaint fabriqués.

Au mois de décembre 1532, il écrit la fameuse lettre à Bernard de Salignac à qui il rend des actions de grâces si magnifiques qu'on est embarrassé d'en faire honneur à un personnage inconnu. On serait tenté, en songeant à l' Oratio prima contra Desiderium Erasmum, publiée par Scaliger en 1531 et attribuée par Érasme à Jérôme Aléandre, de voir dans ce Bernard de Salignac quelque pseudonyme ou prête-nom d'Érasme.

1533, En même temps qu'il prend part à de nombreuses publications scientifiques, il produit des ouvrages d'un autre goût qui feront bien davantage pour sa renomrnée et qui immortaliseront son nom. C'est à la fin de l532 que les premiers livres de Gargantua et de Pantagruel paraissent avoir vu le jour. On a une édition du deuxième livre datée de 1533. En examinant bien les titres et les prologues, on se convainc aisément que l'apparition du fameux roman doit être un peu antérieure, et que les éditions princeps des deux premiers livres ne se sont probablement pas encore retrouvées. Le langage de Rabelais, dans le prologue du Gargantua, n'est pas celui d'un auteur jusqu'alors inédit; le prologue du Pantagruel se rapporte bien, selon nous, au premier livre de Gargantua, et non à ces grandes et inestimables Chroniques du géant Gargantua, dans lesquelles M. Brunet a voulu voir un premier essai de Rabelais. Il est certain toutefois qu'il y avait un petit roman populaire qui a servi à Rabelais de point de départ; nul doute que Gargantua n'eût une existence traditionnelle bien avant le rôle éclatant qu'il fut appelé tout à coup à jouer. Les grandes et inestimables Chroniques sont un monument de cette tradition. Le roman rabelaisien attira l'attention sur elles. Rabelais eut-il quelque part aux réimpressions qui furent faites de ces opuscules à la même époque? Rien n'autorise à l'affirmer; l'intérêt des libraires suffit bien à expliquer ces réimpressions.

Rabelais publia encore un almanach pour 1533 et la Pantagrueline prognostication pour cette même année. Cette « Pantagrueline prognostication, par M. Alcofribas, architriclin dudit Pantagruel, » nous prouve que, dès la fin de 1532, le roman de Rabelais était déjà bien connu du public, puisque, si l'histoire de Pantagruel par son architriclin n'eût fait que de paraître, l'auteur n'aurait pas mis en tête d'une brochure ces noms qui eussent été une énigme pour les acheteurs. Dans le courant de cette année 1533, Pantagruel fut censuré par la Sorbonne. On sait par une lettre de Calvin, à la date d'octobre, que la Faculté de théologie avait condamné « ces ouvrages obscènes: Pantagruel, la Forêt d'amours, et d'autres du même billon (obscoenos illos Pantagruelem, Sylvam amorum, et ejus monetæ. »

1534, Premier voyage de Rabelais à Rome, à la suite de Jean du Bellay, évêque de Paris. Ce prélat était chargé par François 1er, de tenter un dernier effort pour empêcher la séparation de l'Angleterre et du Saint-Siège. Venant d'Angleterre, où il avait été conférer avec le roi Henri VIII, il traverse la France, passe à Lyon, où il s'attache Rabelais comme médecin, franchit les Alpes et arrive à Rome la veille de Noël 1533. Il ne réussit pas dans sa mission, malgré le zèle et l'éloquence qu'il y déploya. Ce premier séjour de Rabelais à Rome, qui a prêté à tant de facétieuses anecdotes, comprend les premiers mois de 1534. De retour à Lyon, Rabelais fit paraître, au mois de septembre, la Description de Rome Antique , de Marliani, avec une dédicace a Jean du Bellay. A cette année se rapporte aussi, selon les plus savants bibliographes, la première édition connue du premier livre: la Vie de Gargantua.

1535, Dans les premiers mois de cette année, Rabelais s'étant absenté pour la deuxième fois et ayant quitté son service à l'Hôtel-Dieu sans donner avis ni prendre congé, les conseillers recteurs du grand hôpital délibérèrent, le 23 février, sur la question de lui donner un remplaçant. Plusieurs médecins, maître Charles, maître Canape, maître Du Castel, sollicitent sa place. Ce dernier est appuyé par M. de Montrottier, qui est un des bienfaiteurs de l'hôpital, auquel il donne trois cents livres par an. L'un des conseillers, nommé Pierre Durand, est d'avis qu'il convient d'attendre jusqu'à Pâques, « car il a entendu que ledit Rabellays est à Grenoble et porra revenir. »

Le 5 mars 1535, les conseillers recteurs élisent, à l'unanimité, Pierre Du Castel, docteur médecin, pour le service du grand hôpital du pont du Rhône, « au lieu de maistre François Rabellays, médecin, qui s'est absenté de la ville et dudit hospital sans congé prendre pour la deuxiesme fois. » Les « gages » de Du Castel sont réduits à trente livres tournois, au lieu de quarante livres que touchait Rabelais. Rabelais avait fait pour l'année 1535 un nouvel almanach ; il y prend pour la dernière fois la qualité de « médecin du grand hospital dudict Lyon ».

C'est probablement pendant les deux ans et demi qti'il exerça les fonctions de médecin de l'Hôtel-Dieu que Rabelais fit à Lyon la leçon publique d'anatomie dont il est question dans une des pièces du recueil de poésies latines publiés par Éienne Dolet en 1538, pièce intitulée Cujusdam epitaphium qui exemplo edito strangulatus, publico postea spectalculo Lugduni sectus est, Francisco Rabelæso doctissimo fabricam corporis interptretan.

1536, Le pape Paul III, successeur de Clément VII, avait promu l'évêque de Paris, Jean du Bellay, au cardinalat. Le cardinal vint éablir à Rome sa résidence, et Rabelais l'accompagna de nouveau. Ils s'y trouvaient au mois de novembre 1535, et y demeurèrent jusqu'au mois d'avril 1536. C'est pendant ce deuxième séjour que Rabelais écrivit à Geoffroy d'Estissac les trois lettres datés du 30 déembre, du 28 janvier et du 15 férier. On doit remarquer toutefois que les dates attribués à ces lettres par les frères de Sainte-Marthe, les premiers éiteurs, ne sont pas tout à fait exactes. Ainsi la première lettre, qui n'est datée que par les éiteurs, est du 30 décembre 1535 , et cela est si vrai que Rabelais dit en la terminant: «Je vous envoye aussi un almanach pour l'an qui vient 1536. »La deuxième et la troisième sont bien datés du 28 janvier 1536 et du 15 férier 1536, parce que Rabelais emploie la supputation romaine qui fai t commencer l'année au 1er janvier et non à Pâques. Les événements de l'histoire générale ne laissent pas de doute à cet égard.

Ces événements sont méorables. C'est pendant cette année 1536 que se prépara et qu'eut lieu la grande invasion de la Provence par l'empereur Charles-Quint. Revenu en Sicile après l'expedition de Tunis, l'empereur nouait des alliances, levait des troupes, amassait des sommes d'argent pour sa vaste entreprise. Il entre à Rome le 5 avril 1536 par une large voie triomphale, et, le 8, il prononce dans le consistoire cette fameuse harangue où dans l'exaltation de son orgueil, il dévoile ses projets, vante sa puissance, et insulte pendant deux heures la France et son roi. Charles-Quint, au lendemain de ce discours, songea qu'il avait peut-êre eu tort de se départir de sa dissimulation ordinaire.Il chercha à persuader aux ambassadeurs de France d'atténuer dans leurs dépêches la portée des déclarations qu'il avait faites. Le cardinal du Bellay se douta que le roi ne saurait point par eux l'exacte vérité En rentrant chez lui, il écrivit tout au long la harangue de l'empereur; il avait des moyens mnémotechniques pour retenir les plus longs discours qui étaient prononcés devant lui. Cela fait, il sortit de Rome sous un déguisement, prit la poste, et arriva huit jours aprè à Paris.

Rabelais revint en France soit avec lui, soit peu après. Pendant ce deuxième séjour, Rabelais avait fait réulariser son état. Il avait adressé au Saint-Père une supplicatio pro apostasia. Un bref du pape Paul III, datédu 17 janvier 1536, lui accorde une absolution pleine et entière, l'autorise à reprendre l'habit de Saint-Benoit et à rentrer dans un monastèe de cet ordre où l'on voudra bien le recevoir (nous verrons tout à l'heure que Rabelais avait à ce sujet des vues arrêrés) et lui permet à exercer, confornément aux règles canoniques, l'art de la médecine.

La grande invasion des Impériaux eut lieu à la fois par le nord et par le midi. Le comte de Nassau entra par le nord, prit Guise, assiéea Péonne. Charles-Quint, àla tête de cinquante mille hommes, passa la Sesia le 7 juin, franchit le Var le 25 juillet. Le roi François 1er s'avança à sa rencontre. Le cardinal du Bellay fut, par ordonnance du 21 juillet 1536, nommé lieutenant général du roi et chargé de la défense de Paris, de la Picardie et de la Champagne. Comment il s'acquitta de cette mission, c'est ce que l'histoire nous apprend avec des détails que nous ne pouvons donner ici. Disons seulement qu'il déploya beaucoup d'activité et d'énergie; en huit jours il approvisionna Paris pour un an et slit tenir tête même à la soldatesque révoltée. La double invasion échoua, comme on sait ;Charles-Quint repassa le Var le 5 septembre ; le siège de Péronne avait été levé le 15 du même mois.

On ne sait pas au juste ce que Rabelais devint pendant ces événements. Il resta sans doute attaché à son protecteur. Dè le temps de leur séjour à Rome, l'évêque de Paris lui avait offert un asile dans l'abbaye de Saint-Maur-les-Fossé, dont il éait abbé Cette abbaye de l'ordre de Saint Benoit, àla sollicitation de l'évêque, venait d'être érigée en collégiale, c'est-àdire que les moines étaient devenus chanoines. Cette transformation avait eu lieu avant que Rabelais eû été reçu parmi eux. S'il avait été reçu avant la bulle d'érection, il n'y aurait eu aucune difficulté à craindre ; mais comme il n'avait été reçu qu'après, il paraît qu'on pouvait contester que les termes du bref du 17janvier, l'autorisant à rentrer dans l'ordre de Saint-Benoît, fussent ainsi observés; et, en effet, Rabelais ne figura point à l'installation des nouveaux chanoines qui eut lieu le 17 août 1536. Pour se mettre à l'abri de toute contestation, il adressa une nouvelle supplique au souverain pontife. On ignore quel sort eut cette supplique.

Au commencement de 1537, Rabelais est à Paris, on le sait par une pièce de vers latins d'Étienne Dolet qui, ayant commis un meurtre à Lyon le 31 décembre 1536, vint solliciter sa grâce du roi, l'obtint et à cette occasion réunit dans un festin Budée, Clément Marot, etc.) avec Rabelais, "l'honneur de la médecine, dit-il, qui peut rappeler les morts des portes du tombeau et les rendre à la lumière."

Parmi les nombreux témoignages d'estime,adressés vers cette époque à Rabelais, il faut citer celui de Salmon Macrin, secrétaire du cardinal du Bellay. Macrin, originaire de Loudun, publia en 1537) à Lyon, un recueil d'odes. L'une d'elles, en l'honneur de Rabelais, célèbre à la fois son savoir et les grâces piquantes de son esprit. Un autre versificateur, Nicolas Bourbon, nous fait connaître les relations amicales de Rabelais avec Guillaume du Maine, abbé de Beaulieu, précepteur des fils de François 1er, et avec Mellin de Saint-Gelais. Il est certain que Rabelais est en excellents termes avec la plupart des personnages distingués de ce temps.

Nous avons vu Rabelais prendre dans ses publications, dans sa supplique au pape, partout, la qualité de docteur en médecine. Il parait cependant qu'il n'avait pas encore reçu l'investiture officielle de ce grade. Il se rendit à Montpellier où, le 22 mai 1537, il fut promu au doctorat, ainsi qu'il résulte de la mention faite par lui-même sur les registres de la Faculté. Il passa une partie de cette année dans cette ville, où il fit, devant un nombreux auditoire, un cours sur le texte grec des Pronostics d'Hippocrate.

Il y reçoit, entre autres visiteurs, Jean de Boyssonné, professeur à l'université de Toulouse, et Hubert Sussanneau, docteur en médecine et en droit et poète latin. Il y fait, en 1538, une leçon publique d'anatomie pour laquelle il touche un écu d'or. Il est peu probable cependant que sa résidence dans cette ville ait été constante pendant ces deux années 1537-1538. A Lyon, comme dit Simon Macrin, était son habituel retour. C'est peut-être à cette époque que se rattache une lettre du cardinal de Tournon au chancelier Antoine du Bourg (ce chancelier étant mort en 1538, on ne saurait du moins assigner à cette lettre une date plus tardive), dans laquelle le cardinal se plaint des nouvelles que Rabelais fait parvenir à Rome.

" Monsieur, Je vous envoie une lettre que Rabelezus escrivoit à Rome, par où vous verrez de quelles nouvelles il advertissoit un des plus maulvais paillards qui soit à Rome. Je lui ai fait commandement que il n'eust à bouger de cette ville jusqu'à ce que j'en sceusse votre voulonté. Et s'il n'eust parlé de moi en ladite lettre, et aussy qu'il s'advoue au roy et reyiie de Navarre, je l'eusse faict mettre en prison pour donner exemple à tous ces escripvetirs de nouvelles. Vous m'en manderez ce qu'il vous plaira, remettant à vous d'en faire entendre au roy cc que bon vous en semblera." On ne voit pas, cependant, que l'affaire ait eu des suites.

Un événement extra-canonique qu'il est impossible de reculer davantage dans la suite des événements de sa vie, c'est l'existence d'un enfant que Rabelais eut à Lyon, et qui vécut deux années. Les renseignements à ce sujet se trouvent dans les manuscrits du professeur toulousain'Boyssoné. Ce professeur de droit, dont Rabelais parle avec une amitié respectueuse, était en même temps un versificateur latin. Parmi ses poésies, plusieurs pièces font mention d'un enfant nommé Théodule Rabelais, mort à l'âge de deux ans, et les termes dont il se sert ne peuvent laisser aucun doute sur le père de cet enfant. Il ne parait pas, du reste, que la paternité de l'auteur de Gargantua ait eu rien de clandestin. Dans l'épitaphe qu'il compose pour ce jeune enfant, Boyssonné lui fait dire : Moi qui repose sous cette tombe étroite, vivant, j'ai eu des pontifes romains pour serviteurs (Romanos habui pontifices fanulos).

1539-1543, Rabelais entre, toujours en qualité de médecin, au service de Guillaurue du Bellay, seigneur dee Langey, frère du cardinal. Ce personnage avait été établi gouverneur du Piémont en 1537. L 18 décembre 1539, Rabelais passe à Chambéry où cette même année le « vertueux » Boyssonné avait été nommé conseiller, peut-être à la recommandation de son ami. En juillet et octobre 1540,il est à Turin; nous le voyons en correspondance avec G. Pélissier, évêque de Maguelonne, ambassadeur du roi de France à Venise.

Le seigneur de Langey avait beaucoup de maladies et d'infirmités. Il demanda à être relevé de son gouvernement du Piémont, et, ayant obtenu son congé, il revint en France, porté en litière. il mourut au mont de Tarare, entre Lyon et Roanne, le 9 janvier 1543. Rabelais fut présent à sa mort. Le Duchat affirme que Guillaume du Bellay laissa cinquante livres tournois de rente à Rabelais, jusqu'au moment où celui-ci aurait trois cents livres de revenu en bénéfices. Les affaires de ce seigneur étaient dans un état déplorable, à cause des dépenses qu'il avait faites pour adoucir les souffrances d'une famine qui avait sévi en Piémont. Peut-être est-ce pour tenir lieu de cette rente que René du Bellay, évêque du Mans, frère du défunt, conféra à Rabelais la cure de Saint-Christophe-du-Jambet. Il est certain que Rabelais fut titulaire de cette cure, dont il touchait le revenu sans être obligé à résidence.

Rabelais consacra un ouvrage latin à l'histoire des hauts faits de Guillaume du Bellay. Claude Massuau, autre domestique de Guillaume du Bellay, le traduisit en français sous ce titre : « Stratagérnes, c'est-à-dire prouesses et ruses de guerre du preux et très Célèbre Chevalier Langey, au commencement de la tierce guerre césariane. » L'original et la traduction sont perdus.

1543-1546, Cependant les éditions du Gargantua et du Pantagruel se succédaient avec une vogue inépuisable. En 1542, Rabelais donna, des deux premiers livres, une édition où il avait légèrement atténué ses hardiesses. En 1546, il mit au jour le troisième livre avec un privilège du roi François ler, non plus sous le pseudonyme d'Alcofribas Nasier, mais sous son nom. L'année suivante, 1547, parurent à Grenoble les premiers chapitres du quatrième livre.

1546-1550, Depuis longtemps déjà le roi François 1er, en qui Rabelais avait trouvé un protecteur, était gravement malade; on prévoyait sa mort prochaine. En quelles mains passerait alors le pouvoir? Les principaux protecteurs de Rabelais allaient sans doute perdre leur crédit. Rabelais n'attendit pas la crise. Il semble qu'il se soit d'assez loin prémuni contre elle. Il quitta la France et se réfugia à Metz. A quel moment? On ne le peut dire avec précision. Mais il parait prouvé que ce fut plus d'une année avant la mort du roi. Il résulte des recherches des érudits lorrains que Rabelais aurait passé à Metz l'année 1546 tout entière. Les comptes de la ville pour cette époque ont disparu ; mais il en subsiste un extrait par Paul Ferry (Observations séculaires), et dans cet extrait on lit ces lignes : « 1547. Payé à Mr Rabellet p. ses gages d'un an, c'est à sçavoir à la Saint-Remy 60 livres; à Paques darien 60 livres ; comme plus con lui ont (sic) p. le quart d'an de Saint-Jean 30 livres. »

Ainsi, Rabelais fut médecin salarié de la ville de Metz, aux gages de 120 livres par an; il toucha le semestre de Pâques 1546 à la Saint-Remi, ler octobre, le semestre du Ier octobre 1546 à Pâques 1547, plus un demi-semestre de Pâques à la Saint-Jean (24 juin). Il eut congé à cette dernière date, 24 juin 1547.

La lettre de Rabelais au cardinal du Bellay, datée de Metz, où il implore en termes si pressants les secours du cardinal, est-elle du 6 février 1547, comme on le croit généralement? Tout fait supposer que cette lettre est plutôt du 6 février 1546, les appointements assez élevés que Rabelais touchait en 1547 ne justifiant plus de tels cris de détresse. Il faut, en ce cas, assigner également à cette année, au 28 mars 1546 (nouveau style), la lettre de Jean Sturm, recteur du Gymnase de Strasbourg, au même cardinal du Bellay. On trouve dans cette lettre un passage indiquant l' importance des gains de Rabelais.

On a vu pourquoi le fugitif s'était arrêté à Metz, c'est qu'il y avait trouvé des fonctions qui le mettaient à l'abri du besoin.

François 1er mourut le 31 mars 1547. Le cardinal du Bellay, forcé de se démettre de ses charges politiques, se rendit à Rome. Rabelais l'y suivit. Rabelais était pour la troisième fois à Rome au mois de février à l'époque de la naissance de Louis d'Orléans, deuxième fils de Henri II et de Catherine de Médicis. Il écrivit au cardinal de Guise (depuis cardinal de Lorraine), sous le titre de Sciomachie, la description des fêtes célébrées à cette occasion par le cardinal du Bellay et par l'ambassadeur de France d'Urfé. Cette description fut imprimée à l,yon, chez Sébastien Gryphe.

La même année, parut à Paris une violente attaque dirigée contre Rabelais ; elle eut lieu dans un pamphlet en forme de dialogue contre les mauvais livres, intitulé Theotimus sive de tollendis et expurgandis malis libris, iis præcipue quos vix incolumi fide ac pietate plerique legere queant. Cette publication était l'ouvre de Gabriel de Puits-Herbaut,moine de Fontevrault. La sortie de Puits-Herbaut n'est pas moins violente contre l'homme que contre ses ouvrages. On y voit apparaître pour la première fois, dans un document contemporain, le Rabelais biberon, glouton, cynique, que les biographes, confondant la vie de l'auteur avec les inventions de son livre, ont représenté par la suite.

L'agression de Puits-Herbaut n'eut aucun effet. Rabelais ne tarda pas à se faire d'aussi solides appuis sous le nouveau règne que sous le règne précédent. L' influence à la cour de France, sous Henri II , appartenait aux Guises, au connétable de Montmorency, à ses cinq fils et à ses trois neveux les Chatillons. Nous venons de voir, à propos de la Sciomachie, Rabelais en correspondance avec le cardinal de Guise. Nous allons le voir tout particulièrement soutenu par l'ainé des Châtillons, le cardinal Odet, évêque-comte de Beauvais.

Il rentre en France « hors de toute intimidation », et obtient pour ses ouvrages un privilège de Henri II, comme il en avait obtenu un de François Ier.

1550-1552, Par provisions du 18 janvier 1550, Rabelais fut nommé à la cure de Meudon. On peut remarquer comme coïncidence significative, que la terre de Meudon avait été récemment achetée par le duc de Guise à la duchesse d'Estampes. Rabelais ne fut curé de Meudon que l'espace de deux ans moins quelques jours. Il n'est pas sûr qu'il ait rempli jamais les fonctions curiales. Le nouvel évêque de Paris, Eustache du Bellav, faisant sa première visite pastorale, au mois de juin I551, est reçu à Meudon par Pierre Richard, vicaire, et quatre autres prêtres; il n'est pas question de Rabelais. En tout cas, il est évident qu' il ne put laisser dans le pays ces profondes traces, ces souvenirs vivaces qu'auraient retrouvés cent ans plus tard les Antoine Leroy, les Bernier, les Colletet. La légende du curé de Meudon s'est formée après coup.

Il résigna ses deux cures, celle de Saint-Christophe-de-Jambet au diocèse du Mans et celle de Saint-Martin-de-Meudon au diocèse de Paris, le 9 janvier 1552. Selon toute apparence, cette double démission fut motivée par la publication très prochaine du quatrième livre complet. Ce quatrième livre fut achevé d'imprimer le 28 janvier 1552. Il parut tvec le privilège du roi et une épitre de l'auteur au cardinal de Châtillon.

La Faculté de théologie s'en émut aussitôt et le censura. Un arrêt du parlement, en date du mars 1551, en suspendit la vente. "Attendu la censure faicte par la Faculté de théologie contre certain livre maulvais exposé en vente soubz le titre de Quatrièsme livre de Pantagruel, avec privilége du roi.... la cour ordonne que le libraire sera promptement mandé en icelle, et lui seront faictes defenses de vendre et exposer ledict livre dedans quinzaine: pendant lequel temps ordonne la cour au procureur du roi d'adverir ledict seigneur roi de la censure faicte sur ledict livre par ladicte Faculté de théologie, et lui en envoyer un double pour suyvre son bon plaisir."

Mandé devant la cour, le libraire Michel Fezandat reçut défense, sous peine de punition corporelle, de vendre l'ouvrage dedans quinzaine. Après ces quinze jours la vente reprit-elle son cours? On est tenté de croire que la suspension dura plus longtemps, si l'on remarque que Henri Il était tout entier alors à son etitreprise contre Metz et les provinces austrasiennes. Il laissa la régence à Catherine le 10 mars, rejoignit l'armée à Chàlons, et victorieux entra dans Metz le 18 avril. Dans cet intervalle, Rabelais fit, au moyen d'un nouveau tirage du prologue, la modification suivante en l'honneur du roi. Le premier tirage portait: « N'est-il pas écrit et pratiqué par les anciennes coustumes de ce tant noble, tant florissant, tant riche et triurnphant royaume de France ?... » Et un peu plus loin : « Le bon André Tiraqueau, conseiller du roy Henri le second. Dans le second tirage, on a supprimé le mot triomphant devant royaume de France et fait précéder le nom du roy Henri le second des épithètes grand, Victorieux et triomphant.

Quoi qu'il en soit, les protecteurs de Rabelais l'emportèrent, et le bon plaisir du roi fait que la vente de l'ouvrage pût reprendre son cours interrompu.

1553, L'époque de la mort de Rabelais, incertaine comme celle de sa naissance, est fixée communément à cette date de 1553. Outre que dès ce moment un profond silence se fait sur l'auteur de Gargantua et de Pantagruel, quelques indications viennent confirmer l'opinion commune. Théodore de Bèze, dans son Epistola Passavantii, mentionne Rabelais en ces termes: « Pentagruel cum suo libro quem fecit imprimere per favorem cardinalium qui amant vivere sicut ille loquebatur-. » Ces mots ,sicut ille loquebatur (comme il parlait) semblent témoigner que Rabelais n'existait plus. Or l'Epistola Passavantii est généralement attribuée à l'année 1553. M. Rathery a signalé un autre document : parmi les personnages d'une satire en forme de dialogue des morts, composée en 1555, figure Rabelais, qu'on représente comme descendu depuis quelque temps déjà aux sombres bords. Son habileté dans l'art de la médecine y est célébrée, et l'auteur ajoute : "Je sais en quels termes honorables n'a cessé de s'exprimer sur ton compte ce grand cardinal qui t'aimait tant et ne t'admirait pas moins."

L'obscurité la plus complète règne sur les circonstances de cette mort. Les faiseurs d'anecdotes se sont emparés des derniers moments de celui que Bacon appelait « le grand railleur, the great jester of France ». Ils ont mis en circulation de nombreuses facéties auxquelles on ne peut ajouter foi mais qui, évidemment se propagèrent de très bonne heure et presque en même temps que le bruit de ce trépas. Jacques Tahureau, poète et conteur, mort dans le Maine en 1555, semble y faire quelque allusion dans l'épitaphe suivante qui fait partie de ses oeuvres.

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cervantes

Miguel de Cervantes Saavedra (29 septembre 1547 à Alcalá de Henares - 23 avril 1616 à Madrid) est un romancier, poète et dramaturge espagnol. Il est célèbre pour son roman L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, publié en 1605 et reconnu comme le premier roman moderne.

Miguel de Cervantes mène d'abord une vie aventureuse de soldat et participe à la bataille de Lépante en 1571, où il perd l'usage de la main gauche. Cette main paralysée lui vaut le surnom de « Manchot de Lépante ». Le 26 septembre 1575, à son retour vers l'Espagne, il est capturé par les barbaresques avec son frère Rodrigo et, malgré quatre tentatives d'évasion, reste captif à Alger. En 1580, il est racheté en même temps que d'autres prisonniers espagnols et regagne son pays.

Marié, puis séparé de sa femme et occupant diverses fonctions, il se lance alors dans l'écriture par le roman pastoral La Galatea en 1585. En 1605, il publie la première partie de ce qui reste comme son chef-d'œuvre : L'ingénieux hidalgo Don Quichotte de la Manche dont la deuxième partie ne paraît qu'en 1615. Sa parodie grandiose des romans de chevalerie et la création des personnages mythiques de Don Quichotte, Sancho Panza et Dulcinée, ont fait de Cervantes la plus grande figure de la littérature espagnole.

Ses premières œuvres théâtrales, peu appréciées de son vivant, ont pourtant donné lieu à de nombreuses imitations. En particulier, la tragédie en vers Le Siège de Numance, écrite de 1581 à 1583, a connu entre 1600 et 1813 cinq imitations sous des titres divers et a inspiré à Lope de Vega La Sainte Ligue.

Les informations sur la vie de Cervantes sont souvent contradictoires et difficiles à rassembler. Parce que, selon Émile Chasles : « On le laissa mourir en 1616 dans le silence (…). Pendant toute la durée du XVIIe siècle, personne ne s'occupa de son tombeau ni de la publication complète de ses ouvrages. » On ignorait encore son lieu de naissance cent ans après sa mort, avant que Lord Carteret découvre que la vie de Cervantes était à écrire. Mais beaucoup de biographes qui s'y sont essayés ont émis des hypothèses fausses, les traducteurs ont usé de supercheries, et des naïfs ont pris au pied de la lettre les récits autobiographiques de l'auteur.

Le lieu de naissance de Miguel de Cervantes reste inconnu, même s'il naquit le plus probablement en Alcalá de Henares, en Espagne. Selon son acte de baptême, c'est en effet dans cette ville qu'il fut baptisé, et c'est également ce lieu de naissance qu'il revendiqua dans son Información de Argel («Information d'Alger»), ouvrage publié en 1580. Le jour exact de sa naissance est également incertain, mais étant donné la tradition espagnole de nommer son enfant d'après le nom du Saint du jour, il est probable que ce fut un 29 septembre, jour de célébration de l'archange saint Michel. Miguel de Cervantes fut donc baptisé à Alcalá de Henares le 9 octobre 1547 dans la paroisse de Santa María la Mayor.

Ses grands-parents paternels étaient Juan de Cervantes, juriste, et madame Leonor de Torreblanca, fille de Juan Luis de Torreblanca, un médecin cordouan. Son père Rodrigo de Cervantes (1509-1585) naquit à Alcalá de Henares et était chirurgien. D'après Jean Babelon : « c'était un médecin mal qualifié, et besogneux, qui exerçait son métier au cours de ses fréquentes errances », ce qui expliquerait que Miguel reçut une éducation assez peu méthodique.

Cervantes avait des ancêtres convertis au christianisme dans les deux branches de sa famille, comme l'ont signalé Américo Castro et Daniel Eisenberg. Jean Canavaggio s'oppose à cette analyse. Il insiste sur le fait que cette ascendance « n'est pas prouvée » et compare Cervantes à Mateo Alemán pour qui les origines sont documentées. Malgré la controverse, il ne faut cependant pas en exagérer l'influence sur l'interprétation de l'œuvre de Cervantes.

Peu de choses sont connues sur la mère de Miguel de Cervantes. Elle s'appelait Leonora de Cortinas Sánchez et il est possible qu'elle eût parmi ses ascendants des convertis au christianisme. Miguel était le troisième d'une fratrie de cinq : Andrés (1543), Andrea (1544), Luisa (1546), qui devint prieure dans un couvent de carmélites, Rodrigo (1550), soldat qui accompagna Miguel dans sa captivité à Alger. Magdalena (1554) et Juan ne furent connus que parce que leur père les mentionna dans son testament, ils moururent en bas âge.

Alors que le nom complet de Cervantes est « Miguel de Cervantes Saavedra », le nom « Saavedra » n'apparut sur aucun document de la jeunesse de Cervantes, et ne fut pas utilisé par ses frères et sœurs. Selon la tradition espagnole, le nom de naissance aurait dû être « Miguel de Cervantes Cortinas ». Miguel ne commença à utiliser le nom « Saavedra » qu'après son retour de captivité d'Alger, peut-être pour se différencier d'un certain Miguel de Cervantes Cortinas expulsé de la cour.

Vers 1551, Rodrigo de Cervantes déménagea avec sa famille à Valladolid. Il fut emprisonné pour dettes pendant quelques mois et ses biens furent confisqués. En 1556 la famille est à Madrid, le père se rendit à Cordoue pour recevoir l'héritage de Juan de Cervantes, grand-père de l'écrivain, et pour fuir ses créanciers.

Il n'existe pas de données précises sur les études de Miguel de Cervantes. Il est probable que celui-ci n'atteignit jamais un niveau universitaire. Valladolid, Cordoue et Séville se trouvent parmi les hypothèses de lieux possibles pour ses études. La Compagnie de Jésus constitue une autre piste puisque dans son roman Le Colloque des chiens, il décrit un collège de jésuites et fait allusion à une vie d'étudiant. Jean Babelon pense qu'il a certainement fréquenté l'université d'Alcalá et celle de Salamanque si l'on se fie à ses écrits sur la vie pittoresque des étudiants. Les informations qu'il fournit dans ses ouvrages ne permettent cependant pas de conclure formellement qu'il suivit un enseignement universitaire, comme le rappelle la bibliothèque virtuelle Cervantes.

En 1566, il s'installa à Madrid. Il assista à l’Estudio de la Villa. L'institution était gérée par le professeur de grammaire Juan López de Hoyos, qui publia en 1569 un livre sur la maladie et la mort de la reine Élisabeth de Valois, la troisième épouse du roi Philippe II. López de Hoyos inclut dans ce livre trois poésies de Cervantes, « notre cher et aimé disciple », qui sont ses premières manifestations littéraires : le jeune homme avait écrit ces vers en hommage à la défunte reine.

Ce fut à cette époque que Cervantès prit goût au théâtre en assistant aux représentations de Lope de Rueda et de Bartolomé Torres Naharro dont les pièces étaient jouées dans les villes et les villages par des comédiens ambulants. Il adorait le monde du théâtre et fit déclarer à son célèbre Hidalgo, dans la seconde partie de son chef-d'œuvre Don Quichotte de la Manche : « il n'avait d'yeux que pour le spectacle ».

Une ordonnance de Philippe II de 1569 a été conservée. Le roi y ordonnait d'arrêter Miguel de Cervantès, accusé d'avoir blessé dans un duel un certain Antonio Sigura, maître d'œuvres. Si cette ordonnance concerna réellement Cervantès et non un homonyme, elle pourrait expliquer sa fuite en Italie.

Miguel de Cervantès arriva à Rome en décembre 1569. Il lut alors les poèmes de chevalerie de Ludovico Ariosto et les Dialogues d'amour du juif séfarade León Hebreo (Juda Abravanel), d'inspiration néoplatonicienne et qui influencèrent sa vision de l'amour. Cervantès s'instruisit du style et des arts italiens dont il garda par la suite un très agréable souvenir.

Mais malgré son goût pour la littérature, Cervantès cherchait d'abord à faire carrière dans les armes. Il s'engagea dans une compagnie de soldats de 1570 à 1574 avant d'entrer comme camerier au service de Giulio Acquaviva, qui devint cardinal en 1570 et qu'il suivit en Italie. Il avait probablement rencontré ce cardinal à Madrid, mais ce dernier ne le garda pas longtemps comme secrétaire, et Cervantès dut prendre rang dans les régiments des tercios d'Italie, à la solde des Colonna. Les hasards de la vie militaire l'entraînèrent sur les routes de toute l'Italie : Naples, Messine, Loreto, Venise, Ancône, Plaisance, Parme, Asti et Ferrare. Il consigna par la suite le souvenir de ces différents séjours dans l'une de ses Nouvelles exemplaires : Le Licencié Vidriera. Il lui arrivait de méditer sur la guerre, et de vitupérer la « diabolique invention de l'artillerie ». Mais tout en combattant, il complétait son éducation littéraire par la lecture des classiques anciens et des auteurs italiens de son époque.

En 1570, le sultan Selim II attaqua Nicosie (Chypre). Cervantès décrit l’événement dans la nouvelle L'Amant généreux qui fait partie des Nouvelles exemplaires. Il fut alors enrôlé dans la compagnie du capitaine Diego de Urbina dans le tercio de Manuel de Moncada. La flotte, commandée par Don Juan d'Autriche, fils naturel du puissant Charles Quint et demi-frère du roi, réunit sous son pavillon les vaisseaux du Pape, ceux de Venise, et ceux de l'Espagne, et engagea la bataille de Lepante le 7 octobre 1571. Cervantès prit part à la victoire sur les Turcs dans le golfe de Patras à bord du bateau la Marquesa (la Marquise).

Ce fut après cette bataille qu'il gagna le surnom de « manchot de Lépante » (el manco de Lepanto). Cervantès fut blessé lors de la bataille : sa main gauche ne fut pas coupée, mais elle perdit son autonomie de mouvement à cause du plomb qui lui avait sectionné un nerf. Après six mois d'hôpital à Messine, Cervantès renoua avec sa vie militaire en 1572. Il prit part aux expéditions navales de Navarin (1572), Corfou, Bizerte, et en 1573, il figurait dans le tercio de Figueroa lors de la Bataille de Tunis. Toutes ces missions furent exécutées sous les ordres du capitaine Manuel Ponce de León et dans le régiment du très fameux Lope de Figueroa dont il est fait mention dans Le maire de Zalamea de Pedro Calderón de la Barca.

Le 20 septembre 1575, Cervantès bénéficia d'un congé et il s'embarqua de Naples pour l'Espagne. Mais au large des Saintes-Maries-de-la-Mer, et alors qu'il naviguait à bord de la galère espagnole El Sol, le bateau fut attaqué par trois navires turcs commandés par le renégat albanais Arnaute Mamí, le 26 septembre 1575. Miguel et son frère Rodrigo furent emmenés à Alger. Cervantès fut attribué comme esclave au renégat Dali Mamí, marin aux ordres de Arnaute. Il fit le récit de sa mésaventure dans L'Espagnole-Anglaise, qui fait partie des Nouvelles exemplaires.

Miguel, porteur de lettres de recommandations de la part de don Juan d'Autriche et du Duc de Sessa fut considéré par ses geôliers comme quelqu'un de très important et de qui ils pourraient obtenir une forte rançon. C'était, selon l'expression de l'époque un « esclave de rachat » pour lequel on demanda cinq cent écus d'or de rançon.

Les sources permettant de retracer la captivité de Cervantès sont des écrits autobiographiques : ses comédies Los tratos de Argel, Los baños de Argel («Les Bains d'Alger») et Le Récit du Captif inclus dans la première partie de Don Quichotte, aux chapitres 39 à 41. Le livre du frère Diego de Haedo, Topographie et histoire générale d'Alger (1612), qui offre des informations importantes sur la captivité de Cervantès, a été donné pour une source « indépendante ». Cependant, l'attribution de cette œuvre à Diego de Haedo est erronée, chose que lui-même reconnut en son temps. Selon Emilio Sola, Antonio de Sosa, bénédictin et compagnon de captivité de Cervantès, a coécrit cet ouvrage avec son ami. En conséquence, le livre de Diego de Haedo n'est pas une confirmation indépendante de la vie de Cervantes à Alger, mais un écrit de plus de la part de Cervantès et qui porte aux nues son héroïsme.

Le récit de la captivité de Cervantès est épique. Pendant ses cinq ans d'emprisonnement, Cervantès, d'esprit fort et motivé, essaya de s'échapper à quatre occasions. Pour éviter des représailles sur ses compagnons de captivité, il assuma la totale responsabilité de ces tentatives devant ses ennemis et préféra la torture à la délation. Il n'a cependant jamais été châtié, peut-être pour des raisons politiques.

La première tentative de fuite fut un échec, car le complice maure qui devait conduire Cervantes et ses compagnons à Oran les abandonna dès le premier jour. Les prisonniers durent retourner à Alger, où ils furent enfermés et mieux gardés. En butte à de dures représailles, Cervantès fut alors employé aux carrières et aux fortifications du port. Il devint ensuite jardinier sous les murs de Bab El Oued pour son maître Hassan.

L'écrivain relate en partie ce dernier épisode dans L'Amant libéral inclus dans le tome I de Nouvelles espagnoles.

Cependant, la mère de Cervantès avait réussi à réunir une certaine quantité de ducats, avec l'espoir de pouvoir sauver ses deux fils. En 1577, après avoir traité avec les geôliers, la quantité de ducats se révéla insuffisante pour libérer les deux frères. Miguel préféra que ce soit son frère qui fût libéré. Rodrigo rentra alors en Espagne en possession d'un plan élaboré par Miguel pour se libérer, lui et ses quatorze ou quinze autres compagnons.

Cervantès s'associa au renégat El Dorador (le Doreur) pour une deuxième évasion. Le plan prévoyait que Cervantès se cachât avec les autres prisonniers dans une grotte, en attendant une galère espagnole qui viendrait les récupérer. La galère, effectivement, vint et tenta de s'approcher deux fois de la plage ; mais finalement elle fut capturée à son tour. Le traître El Dorador dénonça les chrétiens cachés dans la grotte. Cervantès se déclara alors seul responsable de l'organisation, de l'évasion et d'avoir convaincu ses compagnons de le suivre. Le vice-roi d'Alger, Hassan Vénéziano, le racheta à son maître pour une somme de cinq cents écus d'or.

Dans le quartier algerois de Belouizdad, la « grotte de Cervantes » est réputée avoir été la cache de Cervantes et ses compagnons.

La troisième tentative fut conçue par Cervantes dans le but de joindre par la terre Oran alors sous domination espagnole. Il envoya là-bas un Maure avec des lettres pour Martín de Córdoba y Velasco, général de cette place, en lui expliquant la situation et lui demandant des guides.

Le messager fut pris. Les lettres découvertes dénonçaient Miguel de Cervantès et montraient qu'il avait tout monté. Il fut condamné à recevoir deux mille coups de bâtons, mais la condamnation ne fut pas appliquée car de nombreuses personnes intercédèrent en sa faveur.

La dernière tentative de fuite se produisit en 1579 avec la complicité du renégat Giron et à l'aide d'une importante somme d'argent que lui donna un marchand valencien de passage à Alger, Onofre Exarque. Cervantes acheta une frégate capable de transporter soixante captifs chrétiens.

Alors que l'évasion était sur le point de réussir, l'un des prisonniers, l'ancien dominicain le docteur Juan Blanco de Paz, révéla tout le plan à Azán Bajá. Comme récompense, le traître reçut un écu et une jarre de graisse. Cervantes fut repris et condamné à cinq mois de réclusion dans le bagne du vice-roi. Azán Bajá transféra alors Cervantes dans une prison plus sûre, au sein de son palais. Il décida par la suite de l'emmener à Constantinople, d'où la fuite deviendrait une entreprise quasi impossible à réaliser. Une fois encore, Cervantes assuma toute la responsabilité.

En mai 1580, les frères Trinitaires, frère Antonio de la Bella et frère Juan Gil, arrivèrent à Alger. Leur Ordre tentait de libérer des captifs, y compris en se proposant eux-mêmes comme monnaie d'échange. Cinq cents captifs furent libérés par leur entremise. Les sources divergent sur les modalités d'obtention des fonds. Certaines biographies avancent que la famille fortunée de Cervantes paya sa rançon. Pour une autre source, Fray Jorge de Olivarès de l'ordre de la Merci resta en otage contre sept mille autres prisonniers. Enfin, pour d'autres biographes, les frères Antonio de la Bella et Juan Gil ne disposaient que de trois cents écus pour faire libérer Cervantès, dont on exigeait cinq cents pour la rançon. Frère Juan Gil collecta la somme qui manquait parmi les marchands chrétiens. Finalement, au moment où Cervantès était monté dans le vaisseau du Pacha Azán Bajá qui retournait à Constantinople avec tous ses esclaves, l'écrivain fut libéré le 19 septembre 1580 par un acte de rachat passé devant le notaire Pedro de Ribera, et il s'embarqua le 24 octobre 1580 en route pour Denia, d'où il gagna Valence en cherchant à gagner sa vie.

Le 24 octobre, il revint enfin en Espagne avec d'autres captifs sauvés également. Il arriva à Dénia, d'où il partit pour Valence. Vers novembre ou décembre, il retrouva sa famille à Madrid. C'est à ce moment-là qu'il commença à écrire Le Siège de Numance, de 1581 à 1583.

Il est probable que La Galatea fut écrite entre 1581 et 1583 ; c'est sa première œuvre littéraire remarquable. Elle fut publiée à Alcalá de Henares en 1585. Jusqu'alors il n'avait publié que quelques articles dans des œuvres d'autrui ou des recueils, qui réunissaient les productions de divers poètes.

La Galatea est divisée en six livres, mais seule la « première partie » fut écrite. Cervantes promit de donner une suite à l'œuvre ; elle ne fut pourtant jamais imprimée.

Dans le prologue de la Galatée, l'œuvre est qualifiée d'« églogue » et l'auteur insiste sur l'affection qu'il a toujours eu pour la poésie. C'est un roman pastoral, genre littéraire déjà publié en Espagne dans la Diana de Jorge de Montemayor. On peut encore y deviner les lectures qu'il a pu avoir quand il était soldat en Italie.

De retour à Madrid, il eut une aventure avec la femme d'un aubergiste qui lui donna une fille naturelle, Isabelle, en octobre 1584. Deux mois plus tard, le 12 décembre 1584, Miguel de Cervantes se maria avec Catalina de Salazar y Palacios dans le village d'Esquivias près de Tolède où le couple déménagea. Catalina était une jeune fille qui n'avait pas vingt ans et qui lui apporta une dot modeste. Après deux ans de mariage, Cervantes entreprit de grands voyages à travers l'Andalousie. En 1587, il était à Séville, séparé de sa femme, sans que les raisons de leur séparation ne fussent claires. Cervantes ne parla jamais de son épouse dans ses textes autobiographiques, bien qu'il fut le premier à avoir abordé le thème du divorce dans son intermède Le juge des divorces et alors que cette procédure était impossible dans un pays catholique.

Nommé commissaire aux vivres par le roi Philippe II lors de la préparation de l'attaque espagnole de l'Invincible Armada contre l'Angleterre, Cervantès séjourna à Séville entre 1585 et 1589. Il parcourut à nouveau le chemin entre Madrid et l'Andalousie, qui traverse la Castille et la Manche. Ce voyage est raconté dans Rinconete et Cortadillo. Mais, en 1589, il fut accusé d'exactions, arrêté et excommunié. L'affaire le mettait aux prises avec le doyen et le chapitre de Séville. Au cours de ses réquisitions à Écija, Cervantès aurait détourné des biens de l'Église. Un peu plus tard, en 1592, le commissaire aux vivres fut arrêté de nouveau à Castro del Río, dans la province de Cordoue pour vente illicite de blé. Il fut de nouveau emprisonné pour une courte période et accepta un emploi à Madrid : il fut affecté au recensement des impôts dans la région de Grenade.

C'est vers cette époque qu'il commença à rédiger Don Quichotte. Il eut l'idée du personnage probablement dans la prison de Séville, peut-être dans celle de Castro del Río. En tout cas, selon ses dires, « dans une prison, où toute incommodité a son siège, où tout bruit sinistre a son siège, où tout bruit lugubre fait sa demeure. »

La malchance poursuivit l'écrivain qui avait déposé ses avoirs chez le banquier portugais Simon Freyre, lequel fit faillite. Cervantès se retrouva de nouveau en prison à Séville de septembre à décembre 1597 où il retourna encore en 1602 et 1603.

En 1601, le roi Philippe III s'établit avec sa cour à Valladolid qui devint pour un temps la capitale de l'Espagne. Cervantès s'y installa en 1604 dans une maison près de l'hôpital de la résurrection qui lui inspira le décor du Colloque des chiens, et de Scipion et Berganza.

À la fin de 1604, il publia la première partie de ce qui fut son chef-d'œuvre : L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche. Le livre fut un succès immédiat. Il y raillait le goût des aventures romanesques et chevaleresques qui dominait en son temps. Cette œuvre marqua la fin du réalisme en tant qu'esthétique littéraire, créa le genre du roman moderne qui eut une très grande influence et constitue sans doute le plus bel exemple de roman picaresque. Cependant en juin de 1605, Don Santiago Gaspar de Espeleta fut assassiné devant la maison de l'écrivain. On accusa Cervantès sur la base d'insinuations des voisins, et sa famille fut mise à l'index. Il fut pourtant reconnu innocent.

De retour à Madrid avec la cour, Cervantès bénéficia de la protection des ducs de Lerma, de Bejar, et de Lemos ainsi que de celle du cardinal Bernardo de Sandoval, archevêque de Tolède.

En 1613 parurent les Nouvelles exemplaires, un ensemble de douze récits brefs, écrits plusieurs années auparavant. Selon Jean Cassou, ce recueil de nouvelles représente le monument le plus achevé de l'œuvre narrative de Cervantès : « La peinture est sobre, juste ; le style brillant, précis (...) on assiste à la naissance d'une poésie brutale et cependant jamais vulgaire. »

La critique littéraire est une constante dans l'œuvre de Cervantès. Elle apparut dans la Galatea et se poursuivit dans Don Quichotte. Il lui consacra le long poème en tercets enchaînés le Voyage au Parnasse en 1614.

De même, dans Huit comédies et huit intermèdes, recueil de pièces de théâtre publié à Madrid en 1615, que Cervantès qualifie de « nouvelles » (œuvres nouvelles) pour les distinguer de ses œuvres du début, le prologue présente une synthèse du théâtre espagnol depuis les origines jusqu'aux productions de Lope de Rueda et Lope de Vega. Ce recueil réunit toute la production des dernières années de l'auteur.

La seconde partie du Don Quichotte ne parut qu'en janvier 1615 : L'Ingénieux chevalier don Quichotte de la Manche. Cette partie sortit deux ans après la parution d'une suite apocryphe signée d'un mystérieux Alonso Fernández de Avellaneda publiée cours de l'été 1614 à Tarragone, et qui s'intitulait : L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, par le licencié Alonso Fernández de Avellaneda natif de Tordesillas. On n'a jamais pu identifier l'auteur de cette contrefaçon déloyale. On sait que Alonso Fernández de Avellaneda est le pseudonyme d'un écrivain espagnol. Les historiens ont émis plusieurs hypothèses quant au personnage qui se cachait derrière ce nom. Il pourrait s'agir de Lope de Vega, de Juan Ruiz de Alarcón y Mendoza, ou de Tirso de Molina. Un groupe d'amis de Lope est également évoqué.

Les deux parties de Don Quichotte forment une œuvre qui donne à Cervantès un statut dans l'histoire de la littérature universelle, aux côtés de Dante, Shakespeare, Rabelais et Goethe comme un auteur incontournable de la littérature occidentale.

L'étrange inventeur, comme lui-même se nomme dans Le Voyage au Parnasse, mourut à Madrid le 23 avril 1616, en présentant les symptômes du diabète. Il était alors tertiaire de l'ordre de saint François. Il fut probablement enterré dans le couvent de cet ordre, entre les rues madrilènes Cantarranas et Lope de Vega. C'est là qu'il repose avec son épouse, sa fille et celle de Lope de Vega bien que certaines sources affirment que, Cervantes étant mort pauvre, sa dépouille fut mise en fosse commune, et est aujourd'hui perdue.

Le roman Les Travaux de Persille et Sigismonde parut un an après la mort de l'écrivain ; sa dédicace au Comte de Lemos fut signée seulement deux jours avant le décès. Ce roman grec, qui prétend concurrencer le modèle classique grec d'Héliodore, connut quelques éditions supplémentaires à son époque mais il fut oublié et effacé par le triomphe indiscutable du Don Quichotte.

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guillaume

Humaniste français (Barenton 1510 – Paris 1581).

Personnalité originale à tous égards, Postel eut une vie mouvementée. Gagnant d'abord sa vie comme précepteur, il entreprend un voyage en Orient et s'y familiarise avec la langue arabe et la civilisation islamique ; il est, à son retour en France, installé par François Ier dans un poste de lecteur de mathématiques et de langues orientales au Collège royal. Un nouveau voyage le mène à Rome d'abord, où, en 1544, il fait la connaissance d'Ignace de Loyola et entre comme novice dans la Compagnie de Jésus, d'où il ne tarde pas à être expulsé ; à Venise ensuite, où il rencontre une religieuse visionnaire, la mère Jeanne, dont il fait son inspiratrice. Après un séjour en Suisse, il rentre en France où, après avoir enseigné les mathématiques à Dijon, il achève sa vie dans une retraite studieuse à l'abbaye de Saint-Martin-des-Champs. Il est peu de domaines que, dans son inlassable et vaste curiosité, cet humaniste passionné (qui, la plupart du temps, écrivit en latin) n'ait abordés : l'étude des langues (De originibus, seu de Hebraicae linguae et gentis antiquitate, 1538 ; Linguarum duodecim characteribus differentium alphabetum, 1538), la géographie (Des merveilles du monde, et principalement des admirables choses des Indes et du Nouveau Monde, 1553), l'histoire (l'Histoire mémorable des expéditions depuis le Déluge fait par les Gaulois ou François..., 1552 ; De la République des Turcs, 1560), la religion (Alcorani, seu legis Mahometani et evangelistarum concordiae liber, 1543 ; l'Unique Moyen de l'accord des protestants et catholiques romains, 1563), la morale (les Très Merveilleuses Victoires des femmes du Nouveau Monde, 1553), la politique enfin (les Raisons de la monarchie, 1551 ; le De orbis terrae concordia, 1543 ; la Loi salique, 1552). L'œuvre s'ordonne cependant autour d'un axe central, le grand projet politico-religieux qu'expose le De orbis terrae concordia : l'établissement, sur la base d'une religion universelle (un christianisme épuré réduit au message évangélique), d'un empire universel capable d'instaurer une paix définitive entre tous les peuples du monde, empire qui, selon lui, revient de droit au royaume de France. Les théories politico-religieuses de Postel, qui eurent quelque audience après sa mort (cf. la correspondance de Louis XIV avec son ambassadeur à Rome), sont surtout remarquables par leur mélange singulier d'universalisme (héritage du premier âge de l'humanisme) et de nationalisme (doctrine dont Bodin allait faire l'axe de sa pensée politique).

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thiers

Le nom de Thiers serait d’origine celte, il signifie la maison du chef. Au Ve siècle, Sidoine Apollinaire mentionne la cité de THIERNUM située aux environs de l’église Saint Symphorien. Grégoire de Tours cite un TIGERNUM CASTRUM (un château fort de Thiers) situé à l’emplacement du Pré de la Foire. Il signale aussi l’existence à Thiers de deux édifices religieux, l’un dans la plaine: l’église dédiée à Saint Symphorien, l’autre sur la colline: dédié à Saint Genès. Au VIIIe siècle, une abbaye est bâtie autour de l'église Saint Symphorien, elle donnera plus tard à la ville basse le nom de Moûtier. L'abbaye est rattachée ensuite à l’ordre de Cluny jusqu'à sa dissolution à la fin du XVIIIe siècle. En effet selon toute vraisemblance, le site primitif de Thiers se situe entre l'espace Pré de la Foire et le monastère lui même. Cet endroit est  un lieu d'échange entre la plaine et la montagne facilitant la circulation des marchandises.

Au Xe siècle, Thiers est une baronnie détachée de la terre comtale d’Auvergne qui subit comme dans toute la région les invasions sarrasines poussant les thiernois à établir sur l'éperon rocheux le premier noyau urbain autour du château seigneurial et de l’église Saint Genès. Désormais deux bourgs se développeront parallèlement. Celui du Moutier sous la domination des moines et la protection royale [à la suite du traité de pariage passé entre l’abbé du Moutier et Alphonse de Poitiers, frère de Saint-Louis, en 1251, traité qui établissait une prévôté qui fonctionna jusqu’en 1537] et celui de la ville haute dirigé par les barons de Thiers. Cette division subsistera jusqu'à la Révolution avec deux justices : au Moutier, une justice royale et dans la ville haute, une justice seigneuriale. Thiers était avant tout une ville ouvrière et de négoce qui n’a pas connu de richesse ostentatoire. On ne trouve pas ici d’édifices particuliers richement sculptés.

La devise de Thiers (devise apparue pour la 1ere fois au XIXe siècle et détournée d’un texte de Virgile), LABOR OMNIA VINCIT  (le travail vient à bout de tout) traduit très bien le tempérament de ses habitants.
A l’origine, cette population est essentiellement agricole. Mais à mesure qu’elle augmente, le besoin  fait naître et se développer des industries. Pendant plusieurs siècles, les Thiernois se sont livrés à la fabrication de toutes sortes de petits objets métalliques désignés appelés « quincaille ». Cette activité est accompagnée d’autres industries : la papeterie, la tannerie, le fil de chanvre, les cartes à jouer, dès le XVe siècle. La présence de la coutellerie est attestée dès le milieu du XVe siècle, et probablement depuis le XIVeme.
En effet, au XIV e siècle, les droits de Leyde (taxes sur les denrées et les marchandises) portent sur de nombreux objets. Les couteaux y sont mentionnés en 1336 venant de l'extérieur, mais ne le sont plus en 1379 ,datation possible des débuts d’une coutellerie de fabrication thiernoise . La présence de la rivière « Durolle », et de  ses nombreuses chutes a facilité l’implantation de ces industries.
Thiers à l'instar des autres villes auvergnates ne semble pas avoir été épargnée par les ravages de la guerre de Cent ans. L'ensemble du coeur historique a été totalement reconstruit entre 1455 et 1530 jusqu'aux caves et aux fondations, ce qui laisse à supposer qu'un terrible incendie pourrait être l'une des causes de cette renaissance architecturale. Un autre épisode important marque l'histoire de Thiers: la prise de la ville en 1568 par les Huguenots, de nombreux édifices sont incendiés. Aux XVIe et XVIIe siècles, Thiers est probablement la ville la plus importante d’Auvergne par l’ensemble de ses industries. La cité coutelière bénéficiant d'une situation géographique exceptionnelle entre l’Auvergne et le Forez, connait un développement industriel rapide.  Grâce à ses marchands bourgeois la ville acquiert une réputation nationale et internationale jusqu'à nos jours.

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gargantua

 L’œuvre de Rabelais comporte cinq livres. Le récit de Pantagruel paraît en 1532. Puis en 1534 paraît   l’histoire de Gargantua. Ces deux récits sont suivis, onze ans plus tard par le Tiers Livre ( 1546). Le Quart Livre est publié dans une première version en 1548 , et dans sa version définitive en 1552, un an avant la mort de Rabelais. Le Cinquième Livre, posthume,  paraît en 1564.

L’idée d’une œuvre homogène, relatant les aventures de trois générations : Grandgousier, Gargantua et Pantagruel ne serait venue à Rabelais qu’en 1546.

Gargantua, fils de Grandgousier et de Gargamelle, naît dans de « bien estranges » conditions.

Il a été porté pendant onze mois par sa mère Gargamelle. Il naît de l'oreille de sa génitrice, lors d’une partie de campagne organisée par  Grandgousier où elle a beaucoup mangé , ri , plaisanté et dansé.

La taille extraordinaire de Gargantua permet à Rabelais de décrire de nombreuses situations bouffonnes.

Immédiatement le nouveau-né est mort de soif et réclame  «  à boyre ». Surpris et amusé par une telle soif  , Grandgousier, son père , s’exclame : «  Que grand (gosier) tu as » , ce qui vaudra à l’enfant d’être appelé Gargantua.

Entre trois et cinq ans , Gargantua est élevé assez librement. Il bénéficie ensuite d’une éducation délivrée par des pédagogues traditionnels . Puis il se rend à Paris pour recevoir  l’enseignement de Ponocrates. En chemin, l’énorme jument qu’il monte, chasse les taons de sa queue avec une telle puissance, qu’elle détruit toute la forêt de Beauce.

Arrivé à Paris, Gargantua s’amuse à dérober les loches de Notre Dame pour les accrocher au cou de sa jument.

Le royaume de Grandgousier est envahi par Picrochole. Grandgousier ne parvenant pas à ramener Picrochole à la raison, il appelle son fils Gargantua à la rescousse. Ce dernier prend la tête des combats. Il est aidé par Frère Jean des Entommeures, dont le courage est exemplaire. Le fils de Grandgousier est victorieux et Picrochole doit s’enfuir. Gargantua  fait un discours de morale politique. Il indique également que le royaume du vaincu reviendra à son fils dont l’éducation sera confiée à Ponocrates.

La victoire est célébrée à l’Abbaye de Thélème dont la devise est « Fay ce que vouldras »   , un adage pronant le libre arbitre entre le   vice et la vertu.

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avila

Thérèse est originaire d'une vieille famille castillane: son grand-père était un marchand juif de Tolède converti au Christianisme. Très tôt, elle perd sa mère et est élevée au couvent des Augustines à Ávila. En 1536, Sainte Thérèse d'Avila entre au couvent de l'Incarnation dans la même ville, où les Carmélites suivaient une règle fort adoucie.

Tombée gravement malade, en 1537, Sainte Thérèse d'Avila retourne dans sa famille. Après sa convalescence, elle revient, en 1539, dans son couvent. Elle y mène une vie sans grande ferveur religieuse. Mais un jour de 1542, alors qu'elle prie devant une statue du Christ flagellé, Sainte Thérèse d'Avila entre dans un chemin de conversion qui devait bouleverser sa vie. Sainte Thérèse d'Avila s'engage dans la voie périlleuse de la mystique.

L'ordre des Carmes est né, au XIIe siècle, dans le royaume franc de Jérusalem du rassemblement d'ermites vivant au mont Carmel. Dès 1450, une réforme est entreprise par Jean Soreth, en Espagne, pour un retour à leur vocation initiale. Il fonde l'ordre des Carmélites cloîtrées, alors que les Carmes ne le sont pas. Vers 1560, Sainte Thérèse d'Avila souhaite fonder un couvent où la règle primitive soit de nouveau strictement observée: une vie rude consacrée à la contemplation de Dieu. Sainte Thérèse d'Avila participe ainsi au vaste courant de réformes issu du concile de Trente (1545-1563) qui secoue alors le monde chrétien. Toutefois, une telle entreprise se heurte à une sévère opposition, qu'elle parvient à vaincre, en 1562, en fondant avec une trentaine de religieuses le couvent de Saint-Joseph à Ávila. Durant cette période, elle entreprend la rédaction de sa première œuvre littéraire: le Chemin de la perfection, qui paraîtra en 1583.

De 1567 à sa mort, Sainte Thérèse d'Avila consacre son temps à l'élargissement de la réforme de l'ordre; l'un des signes des Carmes rénovés, dans le sens de l'austérité, est qu'ils ne portent point de bas (Carmes «déchaussés» ou «déchaux»). Tout au long de sa tâche, elle sera soutenue par Saint Jean de la Croix qui entreprendra la même réforme dans la branche masculine des Carmes. Cette assistance, ainsi que celle de ses confesseurs, est d'autant plus précieuse que Sainte Thérèse d'Avila doit affronter l'hostilité de certaines autorités ecclésiastiques et la résistance des Carmes qui s'opposent à la réforme. Cependant, les fondations (une quinzaine de son vivant) se multiplient sous son impulsion. Cette activité ne l'empêche pas de progresser dans son aventure mystique, dont l'ultime stade aboutissait, selon sa propre métaphore, à la «pure contemplation», qui s'abîme dans son fameux nada. Son confesseur, le père Gratien, l'invite à relater les étapes de son propre itinéraire: le Livre des fondations (rédigé à partir de 1577, publié en 1610) et le Château intérieur (rédigé en cinq mois, en 1577, et publié en 1588, avec le livre de la Vie).

Sainte Thérèse d'Avila, béatifiée en 1614 et canonisée en 1622, demeure une figure prestigieuse de la sainteté chrétienne, tant par son œuvre réformatrice, sanctionnée par la création de nombreux couvents «déchaux», que par ses écrits mystiques. Elle est devenue, en 1970, la première femme proclamée Docteur de l'Église.

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amyot

Le siége épiscopal d’Auxerre étant devenu vacant, le chapitre continua les pouvoirs de vicaire général à Gaspard Damy qui l’avait déjà été sous trois évêques consécutifs, mais décida, le 10 février 1571 , qu’au lieu de pourvoir collectivement aux bénéfices comme il l’avait toujours fait pendant les vacances du siège, chaque chanoine nommerait ou présenterait à son tour, par semaine, en commençant par le doyen, jusqu’à la fin de la vacance.

Le 3 mars suivant, Jacques Amyot, successeur du cardinal de la Bourdaisière, et muni de ses bulles, prit possession de l’évêché par les mains de Laurent Petitfou, archidiacre d’Auxerre.

Ce prélat était né à Melun le 30 octobre 1513, et était fils de Nicolas Amyot, petit marchand, et de Marguerite d’Amour ou des Amours. N’ayant d’autre secours de ses pauvres parents qu’un pain que sa mère lui envoyait chaque semaine, par les bateliers de Melun, il vint à Paris pour y continuer dans un collège qu’il n’a point nommé, quelques études de grammaire, commencées dans sa ville natale. Pour suppléer aux ressources qui lui manquaient, il se vit contraint de servir de domestique à d’autres écoliers. Cachant dans un coin de la classe le délabrement de son habit et la pâleur de son visage affamé, il était assis des jours entiers, suppléant par la mémoire aux livres qu’il n’avait pas, écoutant avidement les leçons de poésie et d’éloquence latine, de mathématiques et de philosophie, qui devaient tant lui profiter. A force de courage, d’énergie et de privations, il parvint à se faire recevoir à dix-neuf ans maître és-arts, et alla ensuite à Bourges étudier le droit civil. C’est dans cette dernière. ville que Jacques Collin, lecteur ordinaire du roi et abbé de Saint-Ambroise, lui fit obtenir, par le crédit de Marguerite, sœur du roi, une chaire de grec et de latin dans l’Université. Amyot fut occupé pendant dix ou douze ans comme précepteur des neveux de Jacques Collin, puis des enfants de son beau-frère Bochetel, seigneur de Sacy et secrétaire du roi. Tout à la fois professeur et précepteur, Jacques n’en trouva pas moins le temps de traduire. le roman grec de Théagène et Chariclée, et quelques vies des hommes illustres de Plutarque. Cette dernière traduction, dédiée à François 1er, fit tellement connaître la pénétration d’Amyot dans la langue grecque, que le prince lui ordonna de continuer le reste de l’ouvrage , et lui donna pour récompense l’abbaye de Bellozane, que laissait vacante la mort du savant Vatable. Ce fut le dernier bénéfice consistorial auquel ce roi nomma.

Amyot ne pensa plus alors qu’à parfaire sa traduction de Plutarque, dont il voulut aller étudier le texte même au Vatican. Il partit donc pour Rome à la suite du cardinal de Tournon qui, juste appréciateur de son mérite, voulut l’avoir pour compagnon de voyage. Chargé de porter au concile de Trente une lettre de Henri II contenant une protestation contre quelques décisions du concile, Amyot s’acquitta de cette mission en homme également ferme et adroit, bien qu’il fût sans caractère public et sans lettres de créance. A son retour, le roi, sur la proposition du cardinal de Tournon, le nomma précepteur de ses deux fils, charge dont Amyot jouit jusqu’à la fin du règne de François II. C’est pendant cette époque que ce savant homme acheva sa traduction des Hommes illustres de Plutarque, et la dédia à Henri II. Il entreprit ensuite celle des Oeuvres morales du même auteur qu’il acheva sous le règne de Charles IX. Ce prince, à qui ce dernier travail fût dédié, était monté sur le trône en 1560 ; il s’était alors souvenu de son ancien précepteur, et dès le lendemain de son avènement, 6 décembre, il l’avait nommé son grand-aumônier, malgré la reine-mère qui destinait cette place à un autre et qui se serait oubliée jusqu’à dire à Jacques Amyot « J’ai fait bouquer (plier) les Guises et les Châtillons, les connétables et les chanceliers, les rois de Navarre et les princes de Condé, et je vous ai en tète , petit prestolet (malheureux petit prêtre) !. » Outre la grande-aumônerie, Charles IX donna encore à son précepteur la charge de conseiller d’Etat, celle de conservateur de l’Université de Paris, et plus tard , l’abbaye des Roches, au diocèse d’Auxerre , celle de Saint-Corneille de Compiègne, et le décanat de la cathédrale d’Orléans.

C’est en qualité de grand-aumônier de France que, se trouvant en 1564 à Avignon avec le roi, Amyot permit à ce prince, à la reine-mère, aux seigneurs et officiers de la cour, l’usage de la viande pendant certains jours du carême, bien que le légat du Saint-Siège et l’archevêque diocésain se trouvassent l’un et l’autre dans cette ville.

« L’évêché d’Auxerre, dit l’abbé Lebeuf, étant venu à vaquer par la mort du cardinal de la Bourdaisière, arrivée en cour de Rome, le pape Pie.V pourvut à tous les bénéfices de ce cardinal pleno jure, et nomma à l’évêché d’Auxerre un particulier dont le nom n’est point parvenu à notre connaissance; ce qui causa une grande dispute entre le roi et le pape. Cette circonstance, quoique combattue par l’historiographe Renaud Martin, se trouve alléguée dans des écritures du chapitre d’Auxerre de l’an 1592, où il est marqué que les chanoines avaient été fort sollicités par celui qui avait des provisions du pape, de le recevoir et de lui délivrer les revenus échus pendant la vacance, et qu’ils n’en voulurent rien faire. Le pape, obligé de condescendre aux volontés du roi , et informé d’ailleurs des qualités extraordinaires d’Amyot, le nomma à cet évêché, et Henri III, qui désirait ardemment l’avancement de son maître (c’est le nom qu’il lui donnait toujours), sut bon gré au Saint-Siège d’avoir confirmé son choix. »

Amyot accepta, se fit sacrer à Paris, et chargea Laurent Petitfou, archidiacre d’Auxerre, de présenter ses bulles au chapitre et de prendre possession du siège; ce qui eut lieu, comme nous l’avons déjà dit, le 3 mars 1571. Ce même jour, François de la Barre fut reconnu vicaire général, et Jean Amyot, frère de Jacques et auditeur des comptes, promit par écrit sur le re­gistre, au nom du nouvel évêque d’Auxerre, une chapelle d’ornements. La détresse de la cathédrale, par suite des ravages causés dans la ville par les hérétiques trois ans auparavant, aussi bien que l’abandon dans lequel le cardinal de la Bourdaisière avait laissé son Eglise, engagèrent les chanoines à user de cette précaution inouïe jusqu’alors.

Jacques Amyot obtint la permission de quitter la cour et de venir à Auxerre. Il s’arrêta à Sens, le 24 mai, jour de l’Ascension, y prêta le serment ordinaire d’obéissance et de soumission, qu’il signa sur le grand autel en présence du cardinal de Pellevé, archevêque, et donna, selon l’usage, une chape au trésor de l’église métropolitaine. Il fit son entrée solennelle à Auxerre, le 29 du même mois, escorté par quatre bourgeois qui, au nom des barons, portaient près de lui la chaise sur laquelle il aurait dû être assis, honneur qu’il refusa, mais sans préjudicier aux droits de ses successeurs.

Amyot avait alors cinquante-huit ans. Son premier soin fut de réparer sa cathédrale, de la purifier, le 22 juin 1571, par une bénédiction nouvelle à cause des profanations horribles que les huguenots y avaient commises, et de la fournir d’ornements et d’argenterie. Le 27 du même mois, il rebénit également l’église des Cordeliers dans laquelle les Calvinistes avaient établi leur prêche. En 1573, il assista à Paris à l’assemblée générale du clergé de France, et la même année, consacra à Auxerre l’église de Saint-Renobert. Le 2 janvier 1576, il reçut un os du bras de saint Saturnin que, par ordre exprès du Souverain Pontife, le cardinal de Pellevé avait tiré de l’église Saint-Jean et Saint-Paul, à Rome, dont il était titulaire. En 1580, il fit imprimer à Sens, en caractères romains, le Bréviaire qui l’était en caractères gothiques. Quatre chanoines avaient été chargés de le réviser. Le 1er mai 1582, Amyot tint un synode où il publia diverses ordonnances. Comme pendant quelques années, la peste avait désolé son diocèse et beaucoup de villes en France, par des lettres datées de Paris le 22 juin 1583, il accorda la permission d’ériger dans toutes les paroisses de la ville une confrérie et un autel sous l’invocation de saint Roch.

Amyot avait avoué, dès son début dans la carrière épiscopale, qu’il n’était ni théologien, ni prédicateur. Il commença dès lors à se faire une occupation journalière de la lecture de l’Ecriture sainte, et des Pères grecs et latins. En attendant qu’il pût prêcher devant son peuple, il chargea de ce soin Pierre Viel, docteur en théologie. Celui-ci eût avec le prélat de fréquentes conférences sur les endroits les plus remarquables de la Bible, touchant les points dogmatiques controversés et les questions de l’école. Amyot se mit avec ardeur à l’étude de la Somme de saint Thomas et parvint à posséder cet immense ouvrage presque en entier. Tous les jours, il se levait à cinq heures du matin, récitait son office de la nuit, étudiait ensuite la Bible et saint Thomas jusqu’à l’heure de la grand’messe à laquelle il assistait, retenait à dîner le célébrant et quelques dignitaires de l’église, s’entretenait de littérature pendant le repas, prenait une récréation d’une heure, retournait à sa bibliothèque, et continuait jusqu’au soir les études commencées le matin. Pendant l’Avent et le Carême, il célébrait la messe en particulier avant d’assister à celle du chapitre; les dimanches et fêtes, il était présent aux premières et aux secondes vêpres, ainsi qu’à matines, et disait aussi une messe basse. Les jours des grandes fêtes, il prêchait vers l’heure de midi, car il était parvenu, sans peine à la science si difficile d’annoncer fructueusement la parole de Dieu à ses ouailles, dans un style dont la pureté captivait les savants et dont la noble simplicité instruisait les masses. il composait des sermons en latin , et les prononçait en français. Dans son palais épiscopal, il était revêtu en évêque, et lorsqu’il paraissait dans la ville, il était habillé en grand-aumônier..

Après la mort de Charles IX, qu’il avait assisté à ses derniers moments, Henri , roi de Pologne, également élève d’Amyot, revint en France et se fit couronner à Reims le 15 février 1575. Sur les instances de la duchesse de Savoie, sa tante, il conserva à son précepteur la charge de grand-aumônier; et, quand il institua l’Ordre du Saint-Esprit, voulant honorer Amyot qui n’était point gentilhomme, le roi fit insérer, dans les statuts de l’ordre, que quiconque serait grand-aumônier de France, serait aussi commandeur du Saint-Esprit, sans être tenu de faire ses preuves de noblesse. Le nouveau roi prêta entre ses mains le serment de l’ordre, et Amyot lui mit au cou le grand collier le 31 décembre 1578, dans l’église des Grands-Augustins, à Paris. C’était, du reste, l’évêque d’Auxerre qui avait dressé les statuts de l’ordre et qui prescrivit aux chevaliers certaines prières en forme d’office divin.

Le zèle que déploya Jacques Amyot pour satisfaire aux besoins spirituels de ses ouailles, ne l’empêcha point de vaquer à ses propres droits temporels. Le château de Régennes avait été très endommagé pendant les guerres civiles de religion, et cependant les évêques d’Auxerre l’habitaient volontiers à cause de sa situation ; Jacques le fit donc relever de ses ruines et le rendit logeable. Il se lit donner, en 1572, un dénombrement de la terre et seigneurie de Beauche par le duc et. par la duchesse de Nivernais. Deux ans après, il reçut une pareille déclaration de Françoise des Colons, veuve du seigneur d’Ougny, et de Seponse, en Nivernais, pour les fiefs qu’ils tenaient de lui. En 1585, il reçut Olivier Foudriat,. lieutenant particulier du bailliage d’Auxerre, à foi et hommage pour les fiefs des Soyarts et de Champ-le-Roi , en la paroisse de Lalande, qu’il venait d’acquérir de noble Jacques de Lenfernat, seigneur de Prunier, fils de Georges de Lenfernat, et le tint quitte des droits de quint et requint et profits féodaux. Le 22 juillet de l’année suivante, René de Prie, chevalier des ordres du roi, seigneur de Prie, Montpopon, Testmilon et baron de Toucy, lui donna dénombrement et aveu de cette baronnie, en commençant par le château même de Toucy. L’énumération n’ayant pas été trouvée exacte, elle fut réitérée le 31 janvier 1587, et l’on procéda, le 1er mai suivant, à la vérification et au renouvellement des limites de la seigneurie, contiguës à la portion seigneuriale de l’évêque seigneur suzerain.

Le prélat fit de temps en temps des voyages à la cour où l’appelait sa dignité de grand-aumônier. Lorsqu’il se trouvait à Paris, il logeait dans l’enclos de l’hôpital des Quinze-Vingts où il avait un appartement que les administrateurs lui avaient cédé en considération de sa dignité de grand-aumônier. Il y assista à quelques sacres d’évêques, fut un des consécrateurs, le 22 juillet 1578, d’Arnaud Sorbin, évêque de Nevers, se trouva à Saint-Denys, en juin 1584, aux obsèques de François, duc d’Anjou, frère du roi Henri III, et, le 15 mai 1588, à l’âge de 75 ans, il rédigea aux Quinze-Vingts son testament qu’il fit certifier le lendemain par un acte de deux notaires au Châtelet.

Ce dernier fait semble prouver qu’Amyot prévoyait les événements, si certaine faction prenait le dessus dans le royaume. Il était à Blois lorsque les Guise y furent assassinés le 24 décembre 1588. La nouvelle de ce meurtre étant parvenue à Auxerre qui était du parti de la Ligue, Claude Trahy, gardien des Cordeliers, publia partout et même en chaire, que l’évêque étant du conseil du roi avait engagé le monarque à commettre le crime; et qu’ainsi il était indigne d’entrer dans l’église, et que s’il y entrait, il ferait sonner la cloche du sermon pour assembler les habitants, à quelque heure que ce fût, et les exciter à courir sur lui; le cordelier ajoutait audacieusement que quiconque entendrait la messe d’Amyot serait excommunié.

Il nous semble inutile de dire qu’Amyot avait ignoré complètement que l’assassinat des Guise dût être commis, puisque Henri III n’en avait fait confidence qu’à ceux qui devaient l’exécuter. D’ailleurs, l’évêque d’Auxerre n’avait, pas hésité à déclarer sur-le-champ à Blois, que le crime était si énorme, que le pape seul pouvait en donner l’absolution. Quoi qu’il en soit, n’ayant osé se rendre à Auxerre que le 29 mars 1589, jour du mercredi­saint, l’évêque courut de grands dangers : on lui tira des coups d’arquebuse, et on lui mit le pistolet sur la poitrine. Il fut obligé de se faire donner une absolution en forme par le légat, Henri Cajetan, le 6 février 1590, et tout rentra dans l’ordre, A partir de cette époque, il ne reparut plus à la cour.

Dès le 7 mars suivant, jour des Cendres, il reprit son ancien usage de prêcher, sans paraître déconcerté ni ému de tout ce qui était arrivé depuis un an, sans employer les invectives ni les déclamations contre personne , bien que par suite des troubles de la Ligue naissante, il eût perdu plus de 50 mille livres et se trouvât complètement ruiné. Sa conduite parut digne d’admiration à ceux qui ne le connaissaient pas encore parfaitement. Toutefois, la misère relative où Amyot se trouva réduit pendant les deux dernières années de sa vie l’obligea de condescendre en quelque chose aux idées de son siècle. Il aurait souhaité que le cardinal de Bourbon eut été roi et appréhendait la ruine du catholicisme en France.

Ce prélat qui aimait la musique, l’aima bien plus encore dans le malheur. Dans son palais épiscopal, il ne rougissait point de chanter sa partie avec des musiciens. Son goût pour le chant lui faisait témoigner plus d’amitié à ceux d’entre les chanoines qui allaient volontiers à l’église pour y chanter, et il estimait pareillement les tortriers, chantres, commis et autres gagistes qui, possédant une belle voix et sachant leur métier, avaient d’ailleurs de bonnes mœurs. Il se plaisait même à jouer de quelque instrument, du clavecin par exemple, avant le dîner, pour se mettre à table l’esprit plus dégagé après ses études sérieuses. C’est de son temps que Edme Guillaume, chanoine d’Auxerre et commensal d’Amyot, perfectionna, vers 1590, l’instrument de musique auquel sa forme valut le nom de Serpent, et dont on se servait depuis plus d’un siècle, puisqu’on lit dans un compte de la fabrique de la cathédrale de Sens en 1453 « Ressoudé le serpent de l’église et mis à point un lien de laiton qui tient le livre. »

Sentant sa fin approcher, Jacques Amyot s’empressa d’avoir recours aux sacrements de l’église, et mourut le samedi 6 février 1593, à deux heures de l’après-midi et en présence d’un grand nombre de prètres et de fidèles. Selon qu’il l’avait demandé dans son testament, il fut inhumé vis-à-vis le grand autel de la cathédrale, à côté du trône pontifical. Il partagea en cinq lots ce qui lui restait de fortune : Nicolas Amyot, son neveu, fut son principal héritier et eut deux parts; sa sœur unique, Jeanne Amyot, obtint deux parts, et son frère Jean Amyot, une seule. Il légua au grand hôpital d’Auxerre cinq cents livres; aux Jacobins, cent livres; aux Cordeliers, pareille somme; à chacun de ses domestiques, dix écus d’or sol, outre leurs gages, et un habit noir; à son valet de pied, trente écus d’or pour lui faire apprendre un métier; à  Jean de Bourneaux, fils de sa sœur, ses ornements épiscopaux et les paiements de sa chapelle. Le testament de l’évêque d’Auxerre ne contenait aucun autre article. On est donc surpris de lire dans certains auteurs qu’Amyot a légué à l’hôpital d’Orléans une somme de seize cents livres, par reconnaissance de ce qu’après y avoir logé à l’âge de dix ans , on lui avait donné seize sous pour sa conduite. « Ce trait et quantité d’autres, dit l’abbé Lebeuf, doivent être mis au nombre des fables. Je ne crois pas non plus, ajoute cet écrivain, que le proverbe : En mangeant, l’appétit vient, comme dit l’évéque d’Auxerre, doive son origine à Jacques Amyot; on peut l’attribuer plus vraisemblablement à Philippe de Lenoncourt, qui fut longtemps appelé en cour l’évêque d’Auxerre, depuis la résignation qu’il avait faite de cette prélature, et qui accumula grand nombre de bénéfices. Amyot ne conserva, avec son évêché, que l’abbaye de Saint-Corneille de Compiègne, s’étant défait de bonne heure de celle de Bellozane et de celle des Roches, au moins dès l’an 1590, en faveur de son neveu. Il n’est resté dans le pays aucun mémoire qui prouve qu’on eût trouvé beaucoup d’argent à cet évêque après sa mort. La Popelinière est le premier qui le fasse riche de deux cent mille écus. Il est fâcheux que d’habiles critiques aient pu le suivre sans demander des preuves de ce qu’il avançait. » Il ressort, en effet, de l’inventaire fait après le décès de Jacques Amyot, qu’on ne trouva, dans deux bahuts placés aux pieds de son lit, que 700 écus au soleil et 141 pistoles.

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ronsard

Pierre de Ronsard naît le 1er septembre 1524 dans le château de la Possonnière, près de Vendôme. Il est le fils de Louis de Ronsard et de Jeannez Chaudrier. Son père a combattu sous Louis XII et François 1er, notamment aux côtés de Bayard.

Ronsard entre au service de la cour royale en 1536 et devient le page du troisième fils de François 1er, Charles d'Orléans. Il reçoit les ordres mineurs de l'évêque du Mans en 1543, mais n'est pas ordonné prêtre. Il est par la suite élève au collège de Coqueret, à Paris ou il a pour maître Jean Dorat, un grand helléniste.

A 20 ans, en avril 1545, Ronsard rencontre, dans une fête à la cour de Blois, Cassandre Salviati, âgée de 13 ans, fille d'un banquier italien. Deux jours après, la cour quitte Blois : Il "n'eut moyen que de la voir, de l'aimer et de la laisser au même instant". Ronsard ne cessera dans ses oeuvres de proclamer son amour platonique.

En 1547 Ronsard s'inscrit à l'Université et fait la connaissance de Joachim du Bellay. Il décide de former avec d'autres jeunes poètes un groupe qui prendra le nom de "Brigade" avant d'adopter quelques années suivantes celui de " la Pléiade". Ce groupe souhaite définir de nouvelles règles poétiques.

En 1549 Ronsard compose un recueil de sonnets « les Amours de Cassandre », « l'Epithalame d'Antoine de Bourbon », « Janne de Navarre » et « l'Hymne de France ». En avril , paraît sous la plume de du Bellay, la célèbre Défense et illustration de la langue française qui constitue le manifeste du groupe de la "Brigade". Ronsard publie ensuite « Quatre premiers livres d'Odes » (1550), « Ode à la Paix » (1550), « Les Amours » (1552), « Bocage » (1554).

Il sera poète de Henri II en 1554 puis conseiller et aumônier du Roi.

En 1555 Ronsard s'éprend d'une "fleur angevine de quinze ans" Marie Dupin. Cette jeune paysanne le fera renoncer aux tourments que lui inspirait Cassandre. Pour elle, il composera "des poèmes simples et clairs". Il publie « des Hymnes », « des Meslanges », et « de la Continuation des Amours ».

A la suite de la mort du Roi Henri II, il devient archidiacre et chanoine (1560). Il travaille à réunir ses écrits et publie ses oeuvres en 4 volumes. Son rôle politique s’affirme encore. En 1562, devenu poète officiel de la cour de Charles IX, Ronsard écrit un certain nombre de discours sur les affaires du pays : « Discours sur les misères de ce temps », « Remontrance au peuple de France », puis « Réponses aux injures et calomnies des ministres de Genève » (1563), discours rédigé contre les protestants genevois. Ronsard prend nettement parti pour le catholicisme.

En 1572 Ronsard écrit une grande épopée à la louange des vertus françaises, la « Franciade» sur le modèle de l'Énéide, de Virgile. Cette oeuvre fut perçue comme un échec par Ronsard lui-même, qui n'en publia que les quatre premiers livres. A la mort de Charles IX (1574), Ronsard connaît la disgrâce.

A cinquante quatre ans, la reine Catherine de Médicis invite le poète à consoler Hélène de Surgères, qui vient de perdre dans la guerre civile , Jacques de La Rivière, dont elle était éprise. Ronsard publie : Sonnets pour Hélène , dédiés à "cette beauté aussi remarquable par son esprit que par sa vertu".

Sur la fin de sa vie, Ronsard cesse de publier de nouveaux textes. Soucieux de sa gloire posthume, il se consacre à la préparation des éditions de ses oeuvres complètes. Il meurt le 27 décembre 1585.

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françois de salles

François de Sales (1567–1622), est un ecclésiastique savoisien né au château de Sales près de Thorens-Glières. Évêque de Genève en résidence à Annecy, il a été proclamé saint et docteur de l'Église catholique.

Issu d’une famille noble, il choisit le chemin de la foi en consacrant sa vie à Dieu, il renonça à tous ses titres de noblesse. Il devint l'un des théologiens les plus considérés au sein du christianisme. Ce grand prêcheur accéda au siège d’évêque de Genève et fonda avec la baronne Jeanne de Chantal l’ordre religieux de la Visitation. Il exerça une influence marquante au sein de l'Église catholique mais également envers les détenteurs du pouvoir temporel que furent, entre autres, ses souverains, les ducs Charles-Emmanuel Ier et Victor-Amédée Ier de Savoie, la régente de Savoie Christine de France et les rois Henri IV et Louis XIII de France.

Homme d’écriture, il laissa une somme importante d’ouvrages, témoignage de sa vision de la vie. Il est considéré par l’Église catholique comme étant le saint patron des journalistes et des écrivains, et cela en raison de son usage précoce du progrès que constituait l’avènement de l'imprimerie. Ses publications imprimées comptent parmi les tout premiers journaux catholiques au monde.

François de Sales est né le 21 août 1567 dans une famille catholique au château de Sales près de Thorens-Glières, à une vingtaine de kilomètres au nord d'Annecy dans le Duché de Savoie. Son père, François de Sales, seigneur de Sales, de Boisy et de Novel, et sa mère, Françoise de Sionnaz (fille unique du seigneur Melchior de Sionnaz), appartenaient à de vieilles familles aristocratiques du duché de Savoie. François de Sales père servit comme officier dans l'armée du roi de France François Ier. Le futur saint était l'aîné de six frères et sœurs.

Lors de son baptême, le 28 août 1567, il reçut le prénom de « François » en vénération pour François d'Assise. Jusqu'en 1569 il fut éduqué par une nourrice. Pendant 6 ans il fut éduqué par des parents catholiques qui avaient de grandes ambitions pour lui. Très vite il apprend le maniement de la dague et de l'épée et l'art de la chevalerie.

De 1573 à 1575 il est écolier au collège ducal du Plain-Château, à La Roche-sur-Foron.

De 1575 à 1578 il entre au Collège Chappuisien d'Annecy, où il côtoya l'aristocratie savoyarde, et apprend le français à 10 ans il fit sa première communion et sa confirmation.

À onze ans, il demanda pour la première fois à devenir prêtre, ce qui lui fut refusé, ses parents le jugeant immature.

François est envoyé par son père, qui le destinait à la magistrature, à Paris vers 1578. Il poursuivit alors ses études au collège de Clermont (Collège jésuite, repris et remplacé aujourd'hui par le lycée Louis-le-Grand), sous la direction de son précepteur, Jean Déage, ainsi que trois de ses cousins. Il étudia la rhétorique, mais aussi le latin, le grec, l’hébreu, la philosophie et la théologie, lui permettant ainsi d’« apprendre les exercices de la noblesse ».

Il tira de ce séjour un grand amour pour la France, pays pourtant souvent en conflit avec le sien, la Savoie, mais dont il se sentait proche par la géographie, la manière de vivre et la langue.

C'est à Paris qu'il partit étudier les « cours des arts » d'octobre 1584 à 1588. Il part à Paris avec un précepteur, le père Déage et trois de ses cousins. Il étudie alors la philosophie, les mathématiques, l'histoire et la musique ainsi que la rhétorique et la grammaire. François montre alors un fort intérêt pour la théologie, et il obtient de son précepteur d'étudier la théologie. Il étudie la théologie d'Augustin d'Hippone et de Thomas d'Aquin et particulièrement sur la grâce et la prédestination.

François est très marqué par la théologie sur la prédestination et la grâce, très discutée par les théologiens, du fait de l'apparition du protestantisme. Calvin, en s'appuyant sur les écrits d'Augustin d'Hippone et de Thomas d'Aquin, cherchait à justifier une théologie de la prédestination. Cette connaissance conduit à une grande angoisse pour François de Sales, qui pendant 10 semaines - entre le mois de décembre 1586 et janvier 1587 - se croit prédestiné à l'enfer. Face à ces angoisses, François prie à l'Église dominicaine de Saint-Etienne-des-Grès devant une statue de la Vierge, et est alors libéré de ces angoisses. Il fit alors vœu de chasteté et se consacra à elle. Dans le même temps, il eut une vie de prière et de pénitence importante. François poursuit ses études, passe sa licence et sa maîtrise au printemps 1588.

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lycée

Depuis plus de quatre siècles, le destin tumultueux et brillant de Louis-le-Grand s'est trouvé étroitement mêlé à l'histoire de France.

Alors qu'il faisait l'objet d'attaques incessantes, et qu'il mena pendant plus de deux siècles une lutte ouverte contre l'Université de Paris, il a été régulièrement salué sous tous les régimes comme une référence exemplaire en matière d'éducation, de pédagogie et d'innovation.

On disait de lui en 1711 « Quelle province dans le royaume, quel royaume même dans l'Europe, qui n'admire l'éducation si cultivée et si chrétienne que tant de jeunes seigneurs ont reçue à Paris dans le collège de Louis-le-Grand ? ». Le géologue, professeur au Collège de France, Léonce Élie de Beaumont allait plus loin encore en 1762 : « Tout ce qui porte un nom, en France, date sa première jeunesse de Louis-le-Grand ».

En pleine ère révolutionnaire, alors qu'il était devenu le " Prytanée français", l'établissement devait, selon le ministre, apparaître « comme le modèle et comme le type qu'on pourrait proposer à tous les collèges ».

Cette opinion flatteuse était partagée par le citoyen Landry, qui renchérissait en 1801 : « ;Le Prytanée de Paris est le seul qui ait gardé, à travers les orages révolutionnaires, la tradition de la véritable méthode à suivre dans l'éducation de la jeunesse ».

Et Chaptal disait à son tour de l'illustre maison de la rue Saint-Jacques qu'elle devait devenir « le premier lycée de France ».

Un tel établissement, qui a bénéficié de la faveur des rois, que l'historien américain Palmer appelle cependant (c'est le titre d'un de ses ouvrages) The School of the French Revolution, qui a toujours réussi à maintenir son indépendance et sa fierté, qui a suscité sous tous les régimes l'admiration pour ses méthodes d'éducation, pour sa tradition d'innovation et d'excellence, ne mérite assurément pas d'être aujourd'hui considéré comme un "cas", aberrant et inclassable.

En 1560, Guillaume du Prat, évêque de Clermont, lègue aux jésuites - qu'il avait installés dès 1550 dans l'hôtel épiscopal de la rue de la Harpe - une somme de 6000 livres destinée à l'acquisition d'une habitation définitive, et une rente en vue d'assurer la subsistance de six pauvres escholiers.

Les jésuites achètent donc en 1563 la Cour de Langres, hôtel important situé rue Saint Jacques, entre les collèges de Marmoutiers, des Cholets, de Reims, du Plessis et du Mans.

Cet ancien hôtel sera la cellule initiale du Collège de la Société de Jésus : toléré par l'Université, mais sans autorisation officielle, l'établissement ouvre ses portes le 1er octobre 1563.

Immédiatement, le succès dépasse toutes les espérances : les élèves se présentent en nombre important. Il faut agrandir le collège, en achetant et annexant les maisons mitoyennes de la rue Saint-Jacques.

Et pourtant le Collegium Societatis Jesu, que les pères appellent plus volontiers Collegium Parisiense, tandis que les élèves - et avec eux le Parlement de Paris - le désignent sous le nom de collège de Clermont, rencontre dès sa création de nombreux obstacles.

En effet, par une originalité surprenante au XVIe siècle, le nouveau collège a décidé de donner à ses externes un enseignement gratuit. « L'enseignement », déclarent les pères, « est une forme de charité, et il ne faut pas en exclure les pauvres ».

Le résultat est immédiat : on accuse les jésuites de dépeupler les collèges de l'université de Paris. Dès 1564, le Recteur Jean Prévot défend aux pères de rouvrir le collège ; un procès s'engage, dont s'occupe tout le royaume.

En attendant une conclusion qui ne vient pas, les jésuites reçoivent l'autorisation provisoire d'enseigner : un provisoire qui va durer trente ans, et qui va permettre au collège de Clermont de rayonner d'un éclat toujours plus vif.

En 1594, cependant, le roi Henri IV est frappé d'un coup de couteau par Jean Châtel, et l'on découvre rapidement que l'auteur de ce geste a été autrefois élève du collège de Clermont.

Malgré les vives protestations de jean Châtel lui-même, on s'empresse de rendre les jésuites responsables de son crime. Ses anciens professeurs, les pères Guéret et Hay sont condamnés au bannissement perpétuel ; le professeur de théologie scolastique, le père jean Guignard, bibliothécaire, est pendu, puis brûlé en place de Grève. Les autres pères sont exilés, leur collège mis sous séquestre, les biens et meubles vendus.

Neuf ans plus tard, le roi accorde aux jésuites l'autorisation régulière et définitive de vivre en France.

En 1606, ils peuvent reprendre possession de leur collège de la rue Saint-Jacques, mais à condition de ne pas y enseigner.

Puis ils reçoivent l'autorisation de donner un cours de théologie par semaine. Enfin, des lettres patentes du 20 août 1610 accordent au Collège de Clermont le droit de donner toutes sortes d'enseignements. Fureur et protestations indignées de l'université de Paris: « allait-elle » s'écria le recteur « en être réduite à demander l'aumône aux portes de Clermont ?».

Une action vigoureuse est menée auprès du Parlement de Paris, qui, dans un arrêt en date du 22 décembre 1611, interdit aux jésuites d'enseigner à Paris : il faudra attendre le 15 février 1618 pour que soit enfin autorisée, conformément aux lettres patentes de 1610, la réouverture du collège.

Dès lors, bénéficiant de la protection officieuse du roi, le collège de Clermont s'achemine, de 1618 à 1682, vers son apogée.

Il acquiert les locaux des collèges de Marmoutiers et du Mans, et se trouve désormais encadré au nord par le collège du Plessis, au sud par le collège des Cholets, à l'est par ceux de Reims et Sainte-Barbe.

En 1656 et 1660, le collège des Cholets cède plusieurs terrains. Et les effectifs du collège de Clermont s'accroissent de façon vertigineuse : deux mille élèves dont trois cents pensionnaires e praecipua nobilitate regni en 1620 ; deux mille cinq cents vers 1640.

Parmi les noms des élèves, on relève ceux des princes du sang, et tous les grands noms de l'armorial de France : Bourbon, Condé, Guise, Joyeuse, Lorraine, La Trémoille, Montmorency, Croy, la Tour d'Auvergne, Breteuil, Brienne, Clermont-Tonnerre, Nemours, Noailles, Polignac, Richelieu.

En 1674, le roi Louis XIV rend au collège une visite officielle et fait don d'une toile de Jouvenet : "La Famille de Darius aux pieds d'Alexandre" (ce tableau se trouve toujours aujourd'hui dans le bureau du proviseur).

En 1682, le collège parvient à la consécration suprême ; le Roi-Soleil lui accorde son patronage officiel : l'établissement reçoit le nom de Collegium Ludovici Magni, "Collège de Louis-le-Grand".

Dès lors, l'établissement, bien qu'il n'ait encore jamais été agréé par l'Université de Paris, donne un enseignement prestigieux et réputé à trois mille élèves, dont cinq cents pensionnaires, et étend son rayonnement "aux limites du monde".

Depuis sa création, en effet, le collège a établi cette tradition d'ouverture au monde qui s'est maintenue au cours des siècles : un dixième au moins de ses effectifs a toujours représenté le "reste du monde".

Les anciens élèves devenus hommes d'État, diplomates, prélats, maréchaux de France, académiciens, hommes de lettres ne se comptent pas. «Le collège des jésuites à Paris», écrira le géoloque Élie de Beaumont en 1762, «est depuis longtemps une pépinière de l'État, la plus féconde en grands hommes».

Et pourtant, cette même année 1762 verra la victoire du Parlement de Paris et de l'Université sur Louis-le-Grand. A la suite de la banqueroute du père Lavalette, la Compagnie de Jésus, que l'on a rendue responsable des dettes du père, commet en effet l'insigne imprudence de porter l'affaire devant la grande chambre du Parlement de Paris.

Or, en 1757, les ennemis des jésuites avaient déjà exploité au maximum l'attentat de Damiens, qui avait été autrefois garçon de réfectoire au collège de Louis-le-Grand : la foule excitée par un déchaînement d'accusations, avait assiégé le collège, et les parents, effrayés, avaient retiré en une seule journée 200 pensionnaires.

L'affaire Lavalette permettait de réunir à nouveau tous les anciens griefs : ultramontanisme, internationalisme, régicide, concurrence perfide à l'Université.

Le 3 mai 1762, le Collège de Louis-le-Grand reçoit donc l'avis officiel d'avoir à congédier sans délai maîtres et élèves.

Les jésuites, qui avaient depuis quelque temps cessé d'apparaître comme des novateurs géniaux en matière de pédagogie, sont expulsés, et leurs ennemis s'installent triomphalement dans les murs du vieux Collège.

C'est tout d'abord l'administration du Collège de Lisieux qui se voit transférée à Louis-le-Grand. Elle sera remplacée au bout de deux ans par celle du Collège de Beauvais.

Mais en outre, les lettres patentes du 21 novembre 1763, consacrent Louis-le-Grand "chef lieu de l'Université".

Le recteur s'y installe, et les professeurs émérites de l'Université prennent possession de plusieurs logements.

Tous les boursiers des petits collèges de Paris sont alors rassemblés à Louis-le-Grand, et le roi Louis XV devient le second fondateur du collège : l'établissement obtient de mettre sur son sceau les armes royales, d'azur aux trois fleurs de lis d'or. Sur la grande porte sont désormais sculptées les effigies de Louis XIV et de Louis XV, collegii fundatores augusti.

C'est à cette occasion également, par les mêmes lettres patentes du 21 novembre 1763, que se trouve créé au collège de Louis-le-Grand, le premier "bureau d'administration" de l'histoire des établissements secondaires, avec la charge "de la régie de l'administration du temporel".

Bien qu'il partage avec le Recteur les vastes locaux de la rue Saint-Jacques, le nouveau principal décide d'entreprendre une véritable révolution pédagogique qui va relancer la guerre avec l'Université.

En 1766, il institue le concours de l'agrégation, qui est essayé d'octobre à décembre à Louis-le-Grand.

Allant plus loin encore, il organise dans les locaux du collège royal une "École normale", préparant à l'agrégation (et c'est ainsi qu'avant de s'installer rue d'Ulm, l'École normale supérieure fonctionnera pendant plus de quatre-vingts ans à Louis-le-Grand).

Ulcérée par ce nouvel attentat contre ses franchises séculaires, l'Université se déchaîne en une guerre de douze années, avant de rendre les armes en 1778.

Pendant ce temps, le collège traverse victorieusement toutes les campagnes menées contre lui devant l'opinion ; le nombre de boursiers passe de 465 en 1781, à 494 en 1788, puis 550 en 1789.
À cette époque, les élèves restent au collège pour toute la durée de leurs études: après le baccalauréat, ils ont la possibilité de choisir entre la préparation de l'agrégation, l'École Polytechnique, les études de médecine, les études de droit et celles de théologie.

C'est ainsi que le jeune Robespierre, entré en qualité de boursiers à l'âge de onze ans, quittera le collège à vingt trois ans muni de son diplôme d'avocat et récompensé pour ses brillantes études par un prix exceptionnel de 600 livres.

Dans le collège existait également une école spéciale de Langues Orientales, dont les élèves portaient le titre curieux de "Jeunes de langues". On y enseignait le turc, le persan, l'arabe, et la diplomatie eut souvent recours à des orientalistes formés à Louis-le-Grand. Depuis cette époque, l'Institut des Langues Orientales a pris la relève des "Jeunes de langues". Antoine Galland qui traduisit le premier et fit connaître Les Mille et Une Nuits, avait été élève de cette section, où il revint en qualité de professeur d'arabe en 1709.

En 1790, la ferveur patriotique enflamme les boursiers. Cent-cinquante d'entre eux courent aux frontières de la " patrie en danger ", et l'Assemblée législative vote, le 17 septembre 1792, la déclaration suivante : « Les boursiers de Louis-le-Grand ont bien mérité de la patrie ».

De 1792 à 1794, une partie des locaux du collège nouvellement baptisé "collège Egalité", est occupée par trois mille soldats, puis par une prison politique où les victimes de la terreur attendent le départ pour l'échafaud .

C'est ici l'occasion d'évoquer de nouveau la curieuse destinée de Maximilien Robespierre. Lors de ses brillantes études effectuées grâce à une bourse obtenue par l'évêque d'Arras, le jeune Robespierre avait eu l'honneur d'être choisi pour accueillir le roi Louis XVI et la reine, à la porte du collège, et pour leur adresser, un genou en terre, une allocution de bienvenue.

En 1794, on installe dans une partie du collège un atelier général qui occupe cinq cents ouvriers.

Quant à la "salle de l'Université", elle sert de lieu de réunion au Comité révolutionnaire de la section du Panthéon.

Dès le début de la Révolution, tous les collèges de Paris avaient été fermés, à la seule exception du collège Egalité. En 1797, il devient "Institut central des boursiers", et tout ce qui reste des quarante collèges parisiens de l'Ancien Régime y est regroupé.

L'Institut devient en 1798 le "Prytanée Français" ; mission lui est donnée de servir d'établissement modèle. Trois ans plus tard, le citoyen Landry rend un hommage vibrant à la tradition maintenue par l'établissement au travers de tous les orages de la Révolution.

Et en 1801, prenant à son tour le chemin suivi par Louis XIV, Louis XV et Louis XVI, le Premier Consul, Napoléon Bonaparte, rend visite au Prytanée, que l'on appelait plus couramment depuis 1800, le "collège de Paris". En 1802, sur proposition du ministre de l'intérieur Chaptal, l'établissement reçoit le titre de "lycée de Paris". Premier établissement en France à recevoir ce titre de lycée, il devient en 1805, le "Lycée impérial".

Désormais, les appellations vont se modifier au rythme des secousses de l'histoire de France : "lycée Louis-le-Grand" à la première Restauration, l'établissement redevient "collège royal de Louis-le-Grand" à la seconde Restauration. La préposition qui semblait faire du collège la propriété exclusive du Roi-Soleil disparaît en 1831.

Les journées de 1848 font disparaître à son tour l'adjectif "royal", puis reparaître le titre de "lycée". Un bref moment, élèves et maîtres demandent à la jeune et éphémère République de baptiser leur établissement "lycée national". Ils ne sont pas écoutés ; on préfère à cette appellation le nom de "lycée Descartes".

Dès 1849, cependant, un arrêté ministériel rétablit l'ancien titre : "lycée Louis-le-Grand". Le Second Empire apportera sa petite touche personnelle, et fera de l'établissement le "lycée impérial Louis-le-Grand".

Rebaptisé par l'autorité municipale, de 1870 à 1873, "lycée Descartes", l'établissement de la rue Saint-Jacques redevient enfin, et définitivement, "lycée Louis-le-Grand" en mars 1873.

Sur le plan matériel, la vieille maison qui ne renonçait jamais à s'étendre avait réussi tout au long du XIXesiècle à annexer progressivement le collège des Cholets et le collège du Plessis, où avaient été installées l'École normale supérieure (jusqu'en 1849), puis l'École d'Administration, préfiguration de l'ENA.
Restait à donner à la rue Saint-Jacques, une allure moins moyenâgeuse, et à introduire l'indispensable unité dans un assemblage disparate de locaux vétustes et de courettes disséminées.

De 1885 à 1893, autour d'un noyau historique fidèlement conservé (tour du cadran solaire et tour du belvédère), le lycée Louis-le-Grand est entièrement reconstruit. Mais il faudra attendre la fin des années 1950 pour que soient construites la salle des fêtes et les salles de classe qui la surmontent, puis la fin des années 1970 pour effectuer d'importants aménagements à l'internat, dans la cuisine et le service restauration ainsi que dans le secteur scientifique ; 1995 marque le début d'une vaste entreprise de rénovation dans l'ensemble du lycée.

Si on a longuement insisté sur les innombrables changements de nom de l'établissement, c'est pour rendre plus évidente encore l'importance qu'il a gardée à travers les siècles pour les rois, les républiques, les empereurs, la Commune de Paris. Louis-le-Grand semble bien avoir toujours été considéré comme un symbole.

L'histoire matérielle traduit aussi certaines de ces caractéristiques : un goût affirmé pour l'expansion et la double volonté de moderniser, avec méthode et de façon fonctionnelle, mais aussi de maintenir intacte la présence, l'âme du passé.

Nous sommes peut-être passé trop vite sur la qualité exceptionnelle des professeurs, leurs méthodes considérées tout à la fois comme novatrices et exemplaires, leur réputation et leur merveilleuse efficacité.

Dès la création du concours général, qui mettait en compétition, à ses débuts, les meilleurs élèves des grands établissements parisiens, Louis-le-Grand se tailla la part du lion. Baudelaire, par exemple, se distingua tout particulièrement dans la composition de "vers latins".

Peut-être aussi conviendrait-il d'évoquer brièvement quelques anecdotes concernant des élèves devenus illustres : imaginer le futur Molière faisant ses premières armes dans la célèbre troupe du collège, qui donna souvent de brillantes représentations devant le roi, la reine et la cour ; raconter les nombreux démêlés du futur Voltaire avec les bons Pères : comme les élèves, en hiver, n'étaient autorisés à se mettre à l'abri pendant les récréations, qu'à partir du moment où l'eau du bénitier était gelée dans la chapelle, François-Marie Arouet fut puni pour avoir vidé le bénitier afin d'y introduire des glaçons qu'il avait ramassés dans la cour...

On pourrait aussi rappeler la vie orageuse et la mort tragique en duel, à vingt et un ans, du jeune et génial Évariste Galois, qui inventa, alors qu'il était élève de Mathématiques Spéciales, les fondements de la théorie des fonctions algébriques.

Et comment passer sous silence, dans l'histoire d'un établissement célèbre pour sa discipline libérale, les années terribles du XIXème siècle.

Alors que le règlement de 1769 disait " Le bien de l'éducation ne consiste pas tant à corriger les fautes des jeunes gens qu'à les prévenir ",celui du Prytanée, en 1800 et 1801, affirmait d'emblée : " La discipline est essentiellement militaire ", et : "La subordination est l'âme même de la discipline".

Aussi, dès 1801, les cachots où les élèves étaient mis au pain et à l'eau se trouvaient-ils en permanence occupés. En 1803, le proviseur Champagne demandait la création de nouveaux cachots, estimant qu'il en fallait un pour cent élèves.

On ne s'étonnera donc pas du nombre et de la violence extrême des mutineries et des révoltes q u i secouèrent l'établissement de 1800 à 1890 : agressions, irruption dans les dortoirs, les bureaux, les appartements de fonction, batailles violentes engagées dans le lycée avec la gendarmerie ou l'armée, les élèves étant armés de barres de fer et de tessons de verre ou de porcelaine ; exclusions massives (61 élèves en 1819, 117 en 1824, 38 en 1852, 123 en 1883).

Le retour à l'ancienne discipline libérale de 1769, dès que parut la fameuse circulaire ministérielle sur la discipline de 1890 ramena de façon durable la sérénité dans le lycée.

Il faudrait évoquer, au XXesiècle, la classe que Paul GUTT appelle la "Khâgne des Années folles", qui réunissait Brasillach, Bardèche, Étiemble, Paul Guth lui-même, Thierry Maulnier, Robert Merle, Henri Quéffelec, Roger Vailland, Georges Pompidou, Léopold Sedar Senghor, Aimé Césaire, Louis Achille et le Vietnamien Pham Duy Khiem.

Ce serait une excellente occasion de citer les phrases émouvantes que le président Senghor consacre à Louis-le-Grand, à ses maîtres et à ses camarades, tout spécialement à son grand ami Georges Pompidou ; de rappeler qu'il a trouvé à Louis-le-Grand le "refus de toute discrimination raciale", le premier trait du "génie français", "l'esprit de méthode" et le "sens de l'homme".

- « Si je suis devenu curieux des hommes et des idées », écrit Senghor, « si je suis devenu écrivain et amateur d'art, si je reste un ami de la France, je le dois essentiellement à mes anciens camarades de Louis-le-Grand «.

Enfin, avant de tirer les leçons d'une histoire si exceptionnellement riche et mouvementée, il paraît nécessaire de faire défiler quelques noms illustres d'anciens élèves, en insistant sur la diversité extrême de leurs origines, de leurs religions, de leurs opinions et de leurs destinées ; mais qu'ils aient été rois, présidents ou révolutionnaires, tous avaient un point commun, la volonté de se dépasser constamment.

Parmi les hommes de lettres, citons Charles Baudelaire, Paul Bourget, Michel Butor, Paul Claudel, Cyrano de Bergerac, Léon Daudet, Régis Debray, Diderot, Maurice Druon, Alain Fournier, Théophile Gautier, Fernand Gregh, jean Guéhenno, Victor Hugo, Joseph Kessel, Valéry Larbaud, Emile Littré, André Lichtenberger, Robert Merle, Molière, Charles Péguy, Bertrand Poirot-Delpech, Rochefort, Romain Rolland, le marquis de Sade, Saint-Evremond, Sartre, Voltaire et que l'on nous pardonne d'en oublier beaucoup.

Parmi les mathématiciens et hommes de science, Jean Bernard, Chasles, Évariste Galois, Hadamard, Louis Leprince-Ringuet, Lichnerowitz, Painlevé, Parmentier, Poincaré...

Parmi les professeurs les plus illustres, Joseph Bédier, Victor Bérard, Brunetière, Brunot, Janin, Littré, Quicherat, Thibaudet...

Dans le monde de la création artistique, Bonnard, Degas, Delacroix, Géricault, mais aussi Mélies, René Clair, et sans doute bien d'autres artistes. À côté de Diderot, de Voltaire et de Sartre, de nombreux philosophes, tels que Durkheim, Jean Guitton, Lachelier ou Merlau-Ponty, Claude Hagège...

D'innombrables cardinaux (entre autres, les cardinaux Baudrillart, de Bernis, de Bérulle, de Chevrus, Fleury, de Polignac, de Retz, de Rohan), Saint-François de Sales, et dans l'Église réformée, le pasteur Boegner. Des industriels, A. Michelin, André Citroën.

Mais c'est dans le monde politique qu'apparaît de la façon la plus éclatante la diversité des origines, des options et des carrières : outre les très nombreux princes des XVIle, XVIlle et XIXe siècles, Louis-le-Grand a assuré la formation de futurs rois, tels que Milan de Serbie, Oscar 1er de SuèdeE, Louis, prince héritier de Monaco, ou encore Nicolas 1er DE Monténégro, qui disait de son ancien proviseur M. Jullien : « Le peu de bien que j'ai en moi, c'est à M. Jullien que je le dois... Il m'a appris que, dans la vie, on n'est digne d'être un homme que si l'on est un honnête homme ».

Bien des ministres, des présidents du Conseil ou premiers ministres, des présidents de la République furent des anciens de Louis-le-Grand : Deschanel, Millerand, Raymond Poincaré, Georges Pompidou, Alain Poher (président par intérim), Valéry Giscard d'Estaing, Maurice Couve de Murville, Jacques Chirac, Michel Rocard, Laurent Fabius, Alain Juppé. Mais aussi Cavaignac, Choiseul, Drouin de Lhuys, Edouard Herriot, Jean Jaurès, Maunoury, Maupéou, Pierre Mendès-France, Turgot, etc.

Parmi les grands militaires, mentionnons Denfert-Rochereau, La Fayette, Faidherbe et Weygand.

Mais il y eut aussi de grands hommes de la Révolution et de la Commune formés dans ce même établissement : Robespierre, Saint-Just et Camille Desmoulins.

Si d'ailleurs on jette un regard inquisiteur sur l'échiquier politique actuel, on s'aperçoit vite que la même diversité d'opinions n'a cessé de se maintenir : une réunion d'anciens élèves devrait permettre de rassembler(!), à côté du président Senghor, et dans le souvenir de Pierre Cot, MM. Valéry Giscard d'Estaing, Alain Poher, Jacques Chirac, Michel Debré, Pierre Messmer, François Ceyrac, Jean Tibéri, Frédéric-Dupont, Tixier-Vignancourt, Laurent Fabius, Michel Rocard, Edgar Pisani, Régis Debray, Alain Juppé et une foule d'autres personnalités de premier plan, appartenant à toutes les tendances de l'opinion française.

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bellay

Joachim du Bellay est né près de Liré, en Anjou, sans doute en 1522, au sein d'une famille de notables provinciaux de grand renom. C'est à Poitiers, où il fut envoyé pour étudier le droit, qu'il commença à s'intéresser à la poésie!; il se lia d'ailleurs à cette époque avec des poètes tels que Jean de La Péruse, Jacques Peletier du Mans, tous deux futurs membres de la Pléiade, mais surtout avec Pierre de Ronsard, dont il fit la connaissance en 1547, et qui devait devenir son meilleur ami en même temps que son plus grand rival en matière de poésie et de renommée.

Avec ce dernier, en effet, il gagna Paris et fut introduit au collège de Coqueret, où il rencontra encore Jean Antoine de Baïf. Ce collège du Quartier latin était alors dominé par la personnalité de son proviseur, Jean Dinemandi, dit Dorat, fervent admirateur des Anciens, grecs et romains, et qui devait rejoindre plus tard le groupe de la Pléiade à l'invitation de Ronsard. Du Bellay se trouva bientôt admis dans un cercle restreint de lettrés dont la principale occupation était l'étude des auteurs grecs et latins et des poètes italiens. Ce cercle, baptisé d'abord «!la Brigade!», puis la Pléiade, exposa pour la première fois une véritable théorie littéraire après la publication de l'Art poétique (1548) de Thomas Sébillet, qui préconisait l'usage aussi bien des formes médiévales françaises que des formes antiques.

En réponse à Sébillet, avec lequel en réalité le désaccord était mince, du Bellay rédigea une sorte d'art poétique intitulé Défense et Illustration de la langue française (1549), généralement considéré comme le manifeste de la Pléiade. Le poète y préconise, contre les défenseurs du latin, l'usage de la langue française en poésie. Il appelle en outre de ses vœux l'enrichissement du vocabulaire par la création de termes nouveaux (abréviations de termes existants, création de mots composés, réactivation du sens des racines anciennes, etc.). Les emprunts à d'autres langues, régionales ou étrangères (grecque et latine notamment), sont également conseillés, à condition que les mots choisis soient adaptés en français. Du Bellay recommande aussi d'abandonner les formes poétiques médiévales employées jusqu'à Clément Marot et préconise l'imitation des genres en usage dans l'Antiquité, tels que l'élégie, le sonnet, l'épopée ou l'ode lyrique, mais aussi la comédie et la tragédie.

L'art du poète, tel que le définit du Bellay, consiste donc à se consacrer à l'imitation des Anciens, tout en respectant certaines règles de versification spécifiquement françaises!; son but ne doit pas être de distraire seulement, mais de célébrer des valeurs éternelles et de chanter les louanges des grands hommes, qui se trouvent ainsi voués à l'immortalité grâce à la beauté de ses vers.

L'importance de ce texte fondateur dépasse les limites du XVIe siècle puisque son influence reste sensible dans la poésie contemporaine malgré les révolutions littéraires successives.

Du Bellay mit en application ses théories dans l'ensemble de son œuvre poétique. Il publia en 1549 un recueil de sonnets amoureux, l'Olive, dont l'inspiratrice reste à ce jour mystérieuse. Dans sa première édition, l'ouvrage regroupait cinquante poèmes, mais il fut considérablement étoffé en 1550 sous le titre l'Olive augmentée (cent quinze sonnets). Le succès du sonnet en France doit sans doute beaucoup à cet ouvrage élégant et raffiné, qui mêle sonnets originaux et sonnets imités des canzoniere de Pétrarque.

Dans la même veine et à la même époque, du Bellay écrivit également des Vers lyriques (1549) à l'imitation d'Horace.

De 1553 à 1557, du Bellay vécut à Rome, pour y remplir la fonction de secrétaire auprès de son oncle le cardinal Jean du Bellay. Ce séjour au pays d'Horace et de Pétrarque le séduisit d'abord, puis le déprima profondément. D'une santé fragile, isolé par la surdité dont il était atteint, et surtout nostalgique de son Anjou natal, il ne put apprécier la beauté de Rome sans amertume : le spectacle des ruines le plongea dans une sombre méditation sur le déclin de toute chose, qui lui inspira le recueil les Antiquités de Rome, publié à son retour en France, en 1558, sous le titre complet de : le Premier Livre des Antiquités de Rome, contenant une description générale de sa grandeur et comme une déploration de sa ruine.

Ce recueil de 32 sonnets, d'une tonalité grave et presque solennelle, reprend un motif traditionnel de la poésie consacrée à Rome, puisqu'il chante la gloire passée de la Rome antique, contrastant violemment, aux yeux du poète, avec la Rome dans laquelle il évolue, celle des papes, où il ne voit que luxure, bassesse et compromission. Du Bellay sut pourtant renouveler ce thème, en élargissant l'objet de sa déploration à la disparition fatale de toute chose créée, ce qui donne lieu à une méditation sincère et émouvante sur le temps destructeur et sur la vanité de l'existence.

À Rome, il composa aussi ses célèbres Regrets, qu'il publia en France la même année que les Antiquités!; ce recueil lyrique, qui regroupe 191 sonnets, présente un tableau émouvant des états d'âme du poète, en particulier sa nostalgie profonde de la France et de la campagne angevine.

Comparés aux Antiquités de Rome, les Regrets sont, aux yeux de leur auteur, un projet poétique plus modeste, car plus intime : ce n'est plus Rome qui occupe ici le devant de la scène, mais sa mélancolie et ses «!regrets!», saisis au jour le jour. Composés dans une langue simple qui délaisse les artifices de la rhétorique et le style élevé, les sonnets du poète

Du Bellay publia aussi, à son retour en France, d'autres recueils d'une tonalité plus légère, tels ses Poemata en latin (1558), les Divers Jeux rustiques (1558), ou le satirique Poète courtisan (1559), tout en se consacrant à des travaux de traduction ou d'imitation des Antiques, qui font de lui l'un des plus éminents spécialistes de son temps en la matière.

Épuisé par la maladie, du Bellay mourut à Paris le 1er janvier 1560 à l'âge de trente-sept ans.

Resté de son vivant dans l'ombre de son ami Ronsard, du Bellay se distingue nettement de lui par son inspiration plus sincère, intime et pessimiste.

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annecy

Singulier destin d'une cité aux origines lointaines exploitant toutes les ressources d'un site privilégié par la nature, sachant saisir toutes les opportunités et traverser les siècles en demeurant toujours de son temps.

 Ville de cluse au débouché d'un lac sur un axe transversal des grandes voies Italie-Genève, elle est implantée au contact de deux zones : montagneuse préalpine avec les massifs des Bornes et des Bauges d'une part, et de plaine avec l'Avant-Pays albanais d'autre part.

Son site est particulièrement bien doté avec un lac devenu symbole, le Thiou, ancien axe industriel devenu atout touristique, la vaste forêt du Semnoz restée sauvage, la spacieuse plaine des Fins parfaitement accueillante à une urbanisation sans contrainte, et enfin la bordure du coteau d'Annecy-le-Vieux, limite agréable du paysage septentrional.

Quant à son histoire, la proximité de Genève sera la source des promotions successives de la ville devenant tour à tour capitale du comté de Genève par l'installation de ses comtes chassés de leur ville au XIIIe siècle puis évêché après le triomphe du calvinisme au XVIe siècle.

Erigée en capitale d'un apanage de la Maison de Savoie au XVe siècle, elle connaîtra une reconversion radicale au début du XIXe siècle en devenant un actif centre industriel : vocation qui devait s'affirmer encore au siècle suivant sans nuire à son essor touristique.

Annecy est probablement la ville des Alpes du Nord qui connut l'une des occupations humaines les plus reculées. En effet, les récentes fouilles effectuées par le Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines implanté à Annecy, ont permis de dater de 3 100 ans avant J.-C. le village littoral émergé au large d'Annecy-le-Vieux.

La station dite "du Port" située à proximité de l'île des Cygnes, découverte en 1884, pourrait dater de 2 500 ans avant J.-C.

La période gallo-romaine apparaît quelque 50 ans avant notre ère et voit rapidement émerger un "vicus" d'environ 2 000 âmes désigné du nom de Boutae et dont l'urbanisation dans la plaine des Fins a laissé suffisamment de vestiges pour permettre de connaître avec exactitude l'implantation du forum, de la basilique, des thermes (visibles 36 avenue des Romains) et du théâtre, dernier élément susceptible d'être remis à jour.

La forme triangulaire de cette cité témoigne de la prépondérance des axes de circulation convergeant à ce carrefour ; chaque pointe étant dirigée vers Faverges (Casuaria), Aix-les-Bains (Aquae) et Genève (Geneva).

Après la dispersion de la population de Boutae au VIe siècle, une nouvelle étape est franchie avec l'occupation progressive des rives du Thiou au débouché du lac à partir du XIIe siècle, emplacement privilégié comportant un passage incontournable à la grande voie nord-sud pour le franchissement de la rivière à hauteur de l'Ile très vite érigé en siège d'une seigneurie.

Dès lors s'organise la cité du Moyen Age de part et d'autre des rives du Thiou sous la protection de fortifications qui deviendront le château. Ainsi naît Annecy-le-Neuf dont nous avons la mention dans un texte de 1107.

La bourgade naissante connaîtra un essor inattendu en devenant la résidence du comte de Genève chassé de sa capitale par suite de conflits avec les évêques.

Cette installation activera l'édification du château promu résidence princière jusqu'à l'extinction de la famille de Genève survenue en 1394 avec la disparition du dernier représentant de cette lignée : Robert de Genève, devenu antipape d'Avignon sous le nom de Clément VII. C'est quelques années plus tard, en 1401, qu'Annecy devient Savoyarde avec l'intégration du comté de Genève dans l'Etat savoyard sous l'autorité du plus prestigieux de ses princes : Amédée VIII, premier duc de Savoie.

L'ancienne capitale du Genevois dépouillée de son titre va traverser une période de désolation causée par une succession d'effroyables incendies détruisant la plus grande partie de la ville en 1412 puis en 1448. Amédée VIII, sensible à une telle situation, s'active pour aider la ville à se relever de ses ruines en procédant à la reconstruction du château et de la cité.

Il complète encore cette marque d'attachement en érigeant l'apanage du Genevois en faveur de son fils Philippe (1444). Ainsi Annecy se relève de ses cendres et reprend son rôle de capitale d'une contrée couvrant le Genevois, le Faucigny et le Beaufortin.

Cette brillante dynastie de princes apanagés noue des liens matrimoniaux avec la famille royale de France et reçoit de François Ier le duché de Nemours (près de Fontainebleau), conférant à nos nouveaux princes le titre de duc de Genevois-Nemours.

Cette période a marqué durablement l'histoire d'Annecy, qui deviendra siège épiscopal avec le départ précipité de l'évêque de Genève qui préfera quitter sa ville à la veille de la Réforme protestante (1535), suivi de plusieurs communautés religieuses venues renforcer encore le caractère religieux d'Annecy que des historiens appeleront "la Rome de la Savoie".

De cette époque, Annecy conserve de beaux monuments venus enrichir durablement son patrimoine : le Logis Nemours, la cathédrale Saint-Pierre, la Maison Lambert, le clocher de l'église Notre-Dame-de-Liesse. Si l'on ajoute à cela le glorieux épiscopat de François de Sales, l'ouverture du Collège chappuisien, la création de l'Académie florimontane, on peut parler sans crainte d'un âge d'or pour notre ville.

L'occupation de la Savoie par l'armée révolutionnaire française (1792) bouleversera la ville, même si l'on constate dès le début du XVIIIe siècle une baisse de la ferveur religieuse.

Ouverte aux idées nouvelles, la ville connaîtra une reconversion industrielle des propriétés vacantes du clergé donnant une vigoureuse poussée économique. Des fabriques de toutes sortes, actionnées grâce à la force hydraulique du Thiou, verront le jour.

C'est aussi une vision révolutionnaire qui inspira le plan d'urbanisme dressé par Thomas-Dominique Ruphy en 1794 dessinant une voirie large et rectiligne dans les grands axes de circulation, épargnant du même coup le quartier historique.

Sous le régime Sarde (1815-1860), la préfiguration d'une ville dont le destin s'affirme par une vocation industrielle se trouve renforcée par l'utilisation de la houille blanche à la fin du XIXe.

Mais dès le milieu du XIXe siècle, la sensibilité nouvelle aux sites alpestres va ouvrir la région à la mode du tourisme attirant autour de notre lac une masse de visiteurs toujours plus nombreux.

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tassis

Francesco Tasso (francisé François de Tassis, germanisé Franz I von Taxis), né à Camerata Cornello, en 1459 et mort à Bruxelles en 1517, est l'un des organisateurs du premier service postal européen, la Kaiserliche Reichspost. Il fut maître général des postes des Habsbourg et ministre des postes pour l'Espagne en 1504 sous Philippe Ier de Castille

En 1490, François et son frère Janetto organisèrent, pour Maximilien Ier du Saint-Empire, un véritable service postal sur l'ensemble de ses possessions et territoires alliés, tels que les Pays-Bas espagnols, la Bourgogne, l'Autriche, puis l'Espagne.        

En 1502 ou 1506, Philippe le Beau, devenu roi de Castille par son mariage avec Jeanne Iere d'Espagne, nomma François de Tassis « capitaine et maître de nos postes ». Il lui octroie un traitement annuel de 12 000 livres pour transmettre, dans les délais fixés, les dépêches du gouvernement vers l'Allemagne, la France et l'Espagne.

François de Tassis établit alors des relais tous les 28 kilomètres, en moyenne. Ses messagers à cheval parcourent chacun une étape et doivent faire viser leur feuille de route par le courrier suivant qui y atteste avoir reçu la « boîte » contenant la correspondance. Les coûts d'un tel système sont cependant élevés, et le traitement annuel du maître des postes n'est pas payé régulièrement. Les Tassis vont donc mettre leur organisation au service des personnes privées, et par lettres patentes du 18 janvier 1506, Louis XII permet aux maîtres des postes de louer leurs chevaux et postillons au public pour « courir la poste », c'est-à-dire de se déplacer au galop de relais en relais. De plus, la famille de Taxis a le droit de porter tant le courrier gouvernemental, que le courrier privé dans tout le Saint-Empire romain germanique ainsi qu'en Espagne.

Le 1er mai 1509, pendant la quatrième guerre d'Italie où la République de Venise défiait l'autorité papale, Maximilien Ier nomme François de Tassis en remplacement de son neveu David de Tassis dans la direction des postes pour les correspondances entre Vienne et Bruxelles car ce dernier est d'origine vénitienne.

En 1512, l'empereur Maximilien Ier anoblit la famille qui s'appellera désormais Taxis et contrôle la totalité de la poste européenne à l'exception notable de la France, ce qui n'a rien d'étonnant puisque Charles Quint, qui a hérité du Saint-Empire et de la couronne d'Espagne, est en guerre avec le roi de France, François Ier. François épousa Dorothea Luytvoldi la même année.

En 1516, François de Taxis fût chargé, par Charles Quint, de créer un service spécial dont bénéficiera François Ier. En contrepartie de cette faveur, le roi de France laissera libre passage au courrier de Charles Quint vers l'Espagne. Ainsi, alors que les souverains européens se déchiraient, les Taxis parcouraient librement l'Europe.

Après sa mort survenue à la fin de l'année 1517, François de Taxis n'avait point de descendant, et c'est alors son neveu Jean-Baptiste de Tassis, père de l'ambassadeur Jean-Baptiste de Taxis qui lui succèda à la tête du service postal et qui sera nommé maître général des postes de l'empire de Charles Quint.

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montaigne

Michel Eyquem de Montaigne naquit en 1533 à Montaigne, comme son père, Pierre Eyquem de Montaigne (qui avait alors 38 ans et mourut en 1568, âgé de 72 ans et tourmenté d'une maladie de pierre à la vessie que devait connaître plus tard son fils aîné). Sa mère s'appelait Antoinette de Louppes [descendante de juifs du Portugal ou de Tolède nommés Lopez]. Il eut comme frères Thomas, seigneur de Beauregart et d'Arsac, Pierre, seigneur de la Brousse et Bertrand de Mötaigne. Il eut trois soeurs: Jane, épouse du seigneur de Lestona, Léonor de Mötaigne dont il fut le parrain, ayant lui-même alors 19 ans, et Marie de Mötaigne. Il fut éduqué en latin et garda toute sa vie l'amour des Lettres, passant toutefois progressivement de la poésie à l'histoire. On sait qu'il s'intéressa aussi aux récits de voyages et rencontra un Sauvage des Amériques, ce dont il fit le magnifique chapitre XXXI du livre I des Essais: Des cannibales, où éclate avec efficacité sa critique des préjugés, et, en tout premier lieu, de l'ethnocentrisme [en pleine époque des guerres de religion!]. D'ailleurs, ouvert au dialogue, il déplora comme Ronsard, mais en des termes choisis l'échec de la tentative oecuménique du Colloque de Poissy (1561): «Combien de querelles et combien importantes a produit au monde le double du sens de cette syllabe, Hoc!».

Conseiller au Parlement de Bordeaux de 1557 à 1570, Montaigne y rencontre Étienne de La Boétie qui sera son ami jusqu'à la mort de celui-ci en 1763 à l'âge de 33 ans. En 1574, deux ans après la St-Barthélémy, Montaigne fait devant le Parlement de Bordeaux un discours remarqué. Faisons confiance à ce Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, au fond si peu ordinaire, pour éviter la violence et établir l'ordre par la seule force de sa parole et de sa pensée.

Il épousa en 1565, à 32 ans, Françoese de la Chassaigne, de 11 ans plus jeune que lui. En 1570, son premier enfant, une fille nommée Thoinette, naquit et mourut à l'âge de deux mois. En 1571 lui naquit Léonor, baptisée par l'oncle de Montaigne Pierre Eyquë de Mötaigne, seigneur de Gaujac et chanoine de S. André de Bourdeaus, et par la soeur de Montaigne, Léonor. En 1573, une troisième fille, Anne, ne vécut que sept semaines. Suivit une quatrième fille, en 1574, qui ne vécut que trois mois. Une cinquième fille, née en 1577, mourut un mois après. Née en 1583, Marie, son sixième enfant, ne vécut que quelques jours.

Décoré par le Roi (Henri III) en 1571 de l'ordre de Saint-Michel et nommé Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi; honoré aussi par Henri de Bourbon, roi de Navarre et futur Henri IV, en 1577 du titre de Gentilhomme de sa Chambre; élu maire de Bordeaux en 1580-81; Montaigne sera embastillé à Paris en 1588 sur ordre indirect d'Henry de Guise, et libéré le même jour sur celui de la Reine mère [Catherine, fille de Laurent de Médicis]. Voilà une vie rien moins que tranquille.

Sauf une dernière correspondance en 1590 avec Henri IV qui lui offrit alors une place auprès de lui, Montaigne, à la fin de sa vie, devenait cependant davantage un spectateur de la vie publique. Ayant écrit depuis 1572, Montaigne avait publié les deux premiers livres des Essais depuis 1580, puis y avait ajouté un troisième livre et des modifications en 1588 et il y travaillait encore en 1592. "Montaigne s'est découvert en écrivant les Essais, et son livre l'a fait en même temps qu'il faisait son livre", va jusqu'à dire Maurice Rat. Ce fut, en tout cas, l'oeuvre d'une vie, par ailleurs déjà bien remplie.

Souffrant (mais avec une âme ferme) d'une maladie de la vessie depuis 1578 et de la goutte depuis 1588, Montaigne mourut à Montaigne le 13 septembre 1592, à 59 ans et demi; son coeur fut mis en l'Église St-Michel et son corps enterré à L'Église des Feuillants à Bordeaux. Son oeuvre lui survécut.

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budé

Consacré de son vivant comme le plus grand Humaniste (connaisseur du Grec et du Latin) savant et homme de lettres de la France du XVI ème siècle, Guillaume BUDE est, entre autres choses, le père du Collège de France. « Nous vous avons représenté la philologie comme une fille pauvre qui était à marier et nous vous avons prié de lui faire une dot ». C'est ce qu'il écrit dans une lettre à François Ier en 1529.
Le roi finira par accepter sa demande en 1530 et crée ce collège où va enseigner l'élite des savants de France sous le nom de Collège des Lecteurs Royaux. Cette institution est conçue très clairement comme un moyen de contourner les interdits lancés par les théologiens de la Sorbonne à l'encontre de l'enseignement des langues grecques et hébraïques. A ce titre, mais pas seulement, Guillaume BUDE est donc un personnage clef dans la lutte que se livrent à Paris les Humanistes et les Théologiens entre 1523 et 1535..

Né le 26 Janvier 1468 à Paris, d'une famille bourgeoise, BUDE fait ses études de droit à Orléans. Quelques années plus tard, se prenant de passion pour la langue grecque ancienne, il l'apprend presque seul, travaillant jour et nuit, accumulant fiche par fiche des connaissances qui seront la base de toute son œuvre écrite. De cette vie entière passée au service de l'étude, il fait un idéal, voire une mystique, dont il ne cesse de faire l'apologie. On prétend que le jour même de son mariage, il exigea de pouvoir s'enfermer dans son cabinet de travail pour lire au moins deux heures afin, disait-il, de ne pas perdre sa journée.
Selon BUDE, l'homme idéal, mais aussi l'homme Saint, est un homme de savoir. Mais comme on va le voir la sainteté n'est pas exempte de compromissions.

Mais c'est très concrètement dans le domaine du politique que selon lui doit s'exercer la réalité du pouvoir que confère ce savoir. On en retrouve le concept dans son "De Philologia", écrit en 1532, qui met en scène le roi et Budé plaidant devant lui la cause de la philologie. En cela il est un peu le miroir inverse (et laÏc) des théologiens de la Sorbonne, qui derrière leur discours sur les choses de la foi, ne rêvent que d'exercer un contrôle sur les corps aussi bien que sur les âmes. On retrouve chez BUDE cette idée qui effleure le siècle, et que MACHIAVEL, RABELAIS, Thomas MORE, ERASME et bien d'autres développent aussi : celle de la justification des élites par leur formation (donc leur mérite). Le concept en soi est presque révolutionnaire et il le sera vraiment deux siècles plus tard puisque c'est la Bourgeoisie savante (avocats, médecins, hommes de lettres) et la Noblesse "éclairée"qui reprendront les concepts qui mèneront à la Révolution Française. Mais cette fois le concept sera dégoupillé par LOYOLA et les Jésuites, pour la plus grande gloire de Dieu, de la Contre-Réforme, et de leur ordre qui va instruire, former et soulager les consciences des élites nobles et des royautés de la chrétienté.

BUDE est secrétaire à la cour sous Charles VIII, puis sous Louis XII, et devient maître des requêtes et maître de la librairie du roi François 1er. Cette position est une chance pour les études philologiques en France. BUDE donne des instructions aux ambassadeurs du Roi, afin qu'ils repèrent, copient ou achètent tous les manuscrits anciens, grecs ou hébreux, dont ils pourraient avoir connaissance dans leurs voyages. La bibliothèque royale devient grâce à lui une des plus grandes d'Europe en la matière.
Mais une telle longévité si près du pouvoir nécessite certaines qualités d'adaptation et de souplesse, qui peuvent se transformer en une trop grande soumission aux vents dominants. Marié, père de douze enfants, devant gérer de nombreux biens, BUDE n'a évidemment pas le profil d'un extrêmiste ou d'un révolté. S'il tente de former son Roi, il finira sans doute par donner des gages de sa (bonne) foi aux théologiens qui cherchent à le déstabiliser. Dans le "De Transitu", qu'il écrit en 1534-35, on peut voir la contradiction dans laquelle il tente d'échapper entre la valeur de la culture profane et sa soumission à la transcendance divine. Mais comment échapper à la réalité d'une société elle-même dominée par la pensée religieuse ? A ce même moment se déroule l'affaire dite "des Placards", et BUDÉ constate avec effarement les débordements de violence du conflit religieux. Il va prendre son parti: Il adjure alors avec force ses lecteurs de se convertir - bien évidemment pas à la Réforme Luthérienne - et entre dans le silence.

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Fouquet

Guillaume Fouquet, seigneur de La Varenne (ou Varanne, ou Varane), était un homme d'État français, né à La Flèche en 1560, et décédé le 7 décembre 1616.

Guillaume Fouquet n'est pas issu d'une famille noble, mais d'une famille bourgeoise de La Flèche. Son père, Martin Fouquet, était l'écuyer de cuisine de Françoise d'Alençon, duchesse de Vendôme, en sa seigneurie de La Flèche. Après le décès de la duchesse en 1550, Martin Fouquet remplit les mêmes fonctions auprès du fils de Françoise d'Alençon, Antoine de Bourbon, époux de Jeanne d'Albret, puis auprès de leur fils, le jeune Henri de Navarre, futur roi sous le nom d'Henri IV.

Guillaume Fouquet entame ses études à Paris, puis en 1578, par l'intermédiaire de son père, il entre au service de Catherine de Bourbon, la sœur du futur roi. C'est là qu'Henri de Navarre le remarque et qu'il décide de l'engager en qualité de portemanteau en 1580. Guillaume Fouquet entre ainsi au service du futur roi et participe activement aux évènements importants du règne, jusqu'à l'assassinat d'Henri IV en 1610. Très vite, Guillaume Fouquet montre ses qualités de soldat et de diplomate. En 1580, il prend la place forte d'Angoulême, tenue par les Ligueurs, et fait prisonnier le lieutenant de la ville. Quelques années plus tard, il se distingue au cours des batailles de Coutras, d'Arques, d'Ivry et de Fontaine-Française. Henri IV le charge ensuite de missions diplomatiques, à Londres ou en Espagne.

À Metz, en 1603, Fouquet présente au roi les pères Jésuites de Verdun, désireux d'obtenir le rétablissement de leur ordre dans le royaume. Quelques mois plus tard, Henri IV signe l'édit de Rouen autorisant le retour des Jésuites en France et entraînant la création du Collège royal de La Flèche.

Le roi octroie rapidement de hautes charges à Guillaume Fouquet : il le nomme tour à tour « conseiller en ses Conseils d'État et privé », capitaine et gouverneur des ville et château de La Flèche, puis d'Angers, chevalier de l'ordre de Saint-Michel et contrôleur général des Postes. Fouquet reçoit ses lettres de noblesses en 1598.

Au lendemain de la mort du roi, Fouquet de la Varenne rappelle à la reine Marie de Médicis la promesse qu'avait fait Henri IV de voir son cœur reposer dans l'église du collège de La Flèche. Le cœur du défunt roi est alors confié aux Jésuites et apporté à La Flèche où le cortège fait son entrée au matin du 4 juin 1610. La mort d'Henri IV atténue le rôle de Fouquet à la cour. Il est cependant confirmé lieutenant-général de la province d'Anjou en octobre 1613, puis en 1616, les fiefs composant les terres de la Varenne sont érigées en marquisat par le roi Louis XIII.

Guillaume Fouquet de la Varenne meurt le 7 décembre 1616 dans son château de La Flèche. Conformément à la faveur qu'il avait obtenue du roi, son tombeau est édifié au pied de l'urne contenant le cœur d'Henri IV dans l'église du collège.

Le 13 novembre 1590, Henri IV récompense Guillaume Fouquet de la Varenne en lui octroyant la charge de « capitaine et gouverneur des ville et château de La Flèche ». Plus tard, Henri IV lui cède par engagement les terres de la seigneurie de La Flèche qu'il tenait de la famille d'Alençon : Guillaume Fouquet de la Varenne devient ainsi le premier seigneur engagiste de la cité.

En vingt ans, l'action de Fouquet transforme complètement la ville. En 1593, il fait construire une enceinte fortifiée et rétablit l'élection de La Flèche, qui devient l'une des plus riches de la généralité de Tours. En 1595, il entreprend la reconstruction du pont du Carmes et obtient d'Henri IV l'établissement d'un siège présidial et d'une cour prévôtale. En 1597, le pavage des rues est entrepris puis en 1599, des foires franches exemptes de droits féodaux sont instaurées. En 1603, il participe avec le roi à la création du collège royal des Jésuites dans le Château-Neuf qu'Henri IV tenait de sa grand-mère, Françoise d'Alençon.

Dans le même temps, Guillaume Fouquet fait édifier le château de la Varenne, dont les travaux s'étaleront jusqu'en 1606[et qui sera considéré au début du XVIIIe siècle comme la plus belle maison de particulier qu'il y ait dans aucune ville de France. Installé entre le Loir, l'actuelle Grande-Rue et le rue de la Tour d'Auvergne, le château se composait d'un corps de logis de trois étages encadré de deux ailes en potence.

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malherbe

François de Malherbe, né à Caen en 1555 et mort à Paris en 1628, est un poète français.

François de Malherbe est né a Caen en 1555, issu d’une famille noble, il s’attacha, à l’âge de 19 ans à Henri d’Angoulême, fils naturel d’Henri II, et grand prieur de France. Il combattit dans les rangs de la Ligue, avant de se marier et de se fixer à Aix-en-Provence. Appelé à Paris pour ses affaires en 1585, il reçut des pensions de Henri IV et de Marie de Médicis. Le seul fils qui lui restait, Marc-Antoine Malherbe, fut tué en 1627 à Cadenet par Covet de Marignane, dans un duel. Malherbe mourut l'année suivante à Paris.

Épurer et discipliner la langue française a été l’œuvre de sa vie. Il manifeste pour cela une grande sévérité à l’égard du maniérisme baroque des poètes du siècle précédent et notamment de Philippe Desportes. On peut le considérer comme le premier théoricien de l’art classique fait de mesure et bienséance et l’un des réformateurs de la langue française. Il fut pour cela l’un des auteurs les plus constamment réédités pendant l’Ancien Régime.

L’hommage que lui adressa Boileau (« Enfin Malherbe vint…, » ) exprime cette dette des écrivains classiques. Aujourd’hui cet hémistiche est passé dans la langue pour saluer l’avènement d’un progrès, d’une réforme.

Ayant, même avec le Roi, son franc-parler, il répondit un jour à ce dernier :

« Quelque absolu que vous soyez, vous ne sauriez, Sire, ni abolir ni établir un mot, si l’usage ne l’autorise. »

Malherbe, ce pessimiste, ne se faisait guère d’illusion sur son état et disait que

« c’était une sottise de faire le métier de rimeur [et] qu’un poète n’était pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles. »

Tallemant des Réaux, qui l’a décrit comme « rustre et incivil », a bien dépeint le caractère « maniaque » de son obsession pour la pureté de la langue. Il disait de ses ennemis « que, s’il s’y mettait, il ferait de leurs fautes des livres plus gros que leurs livres mêmes ». Certains refusèrent toujours, pour cette raison, de soumettre leurs écrits à son approbation parce que « ce n’était qu’un tyran, et qu’il abattait l’esprit aux gens ». Parmi ceux qui s’y risquèrent néanmoins, « Il dit à un homme qui lui montra un méchant poème où il y avait pour titre : POUR LE ROI, qu’il n’y avait qu’à ajouter : POUR SE TORCHER LE CUL. Même, « une heure avant que de mourir, il se réveilla comme en sursaut d’un grand assoupissement, pour reprendre son hôtesse, qui lui servait de garde, d’un mot qui n’était pas bien français, à son gré ; et comme son confesseur lui en voulut faire réprimande, il lui dit qu’il n’avait pu s’en empêcher, et qu’il avait voulu jusqu’à la mort maintenir la pureté de la langue française. »

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collège

Le Collège de France doit son origine à l’institution des lecteurs royaux par le roi François Ier, en 1530.

L’Université de Paris avait alors le monopole de l’enseignement dans toute l’étendue de son ressort. Attachée à ses traditions comme à ses privilèges, elle se refusait aux innovations. Ses quatre facultés : Théologie, Droit, Médecine, Arts, prétendaient embrasser tout ce qu’il y avait d’utile et de licite en fait d’études et de savoir. Le latin était la seule langue dont on fît usage. Les sciences proprement dites, sauf la médecine, se réduisaient en somme au quadrivium du moyen âge. L’esprit étroit de la scolastique décadente y régnait universellement. Les écoles de Paris étaient surtout des foyers de dispute. On y argumentait assidûment ; on y apprenait peu de chose. Et il semblait bien difficile que cette corporation, jalouse et fermée, pût se réformer par elle-même ou se laisser réformer.

3Pourtant, un esprit nouveau, l’esprit de la Renaissance, se répandait à travers l’Europe. Les intelligences s’ouvraient à des curiosités inédites. Quelques précurseurs faisaient savoir quels trésors de pensée étaient contenus dans ces chefs-d’œuvre de l’Antiquité, que l’imprimerie avait commencé de propager. On se reprochait de les avoir ignorés ou méconnus. On demandait des maîtres capables de les interpréter et de les commenter. Sous l’influence d’Érasme, un généreux mécène flamand, Jérôme Busleiden, venait de fonder à Louvain, en 1518, un Collège des trois langues, où l’on traduisait des textes grecs, latins, hébreux, au grand scandale des aveugles champions d’une tradition sclérosée. L’Université de Paris restait étrangère à ce mouvement.

François Ier, conseillé par le savant humaniste Guillaume Budé, « maître de sa librairie », ne s’attarda pas à la convaincre. Il institua en 1530, en vertu de son autorité souveraine, six lecteurs royaux, deux pour le grec, Pierre Danès et Jacques Toussaint ; trois pour l’hébreu, Agathias Guidacerius, François Vatable et Paul Paradis ; un pour les mathématiques, Oronce Finé ; puis, un peu plus tard, en 1534, un autre lecteur, Barthélémy Masson (Latomus), pour l’éloquence latine. Les langues orientales autres que l’hébreu firent leur entrée au Collège avec Guillaume Postel (1538-1543), l’arabe en particulier, avec Arnoul de L’isle (1587-1613).

Le succès justifia cette heureuse initiative. Les auditeurs affluèrent auprès des nouveaux maîtres. Par là, un coup mortel venait d’être porté aux arguties stériles, aux discussions à coups de syllogismes, aux recueils artificiels qui avaient trop longtemps tenu la place des textes eux-mêmes. Par l’étude des langues, on remontait aux sources. On y retrouvait le pur jaillissement d’une pensée libre et féconde.

Ainsi naquit le Collège de France. Ne relevant que du roi, dégagés des entraves qu’imposaient aux maîtres de l’Université les statuts d’une corporation trois fois séculaire, affranchis des traditions et de la routine, novateurs par destination, les lecteurs royaux furent, pendant tout le xvie siècle, les meilleurs représentants de la science française. Le Collège, pourtant, n’avait pas encore de domicile à lui. Il ne constituait même pas une corporation distincte, à proprement parler ; il n’existait, comme personne morale, que par le groupement de ses maîtres sous le patronage du grand aumônier du roi. Mais son unité résultait de leur indépendance même. Et déjà, il assurait son avenir par la valeur et l’influence de quelques-uns d’entre eux, tels qu’Adrien Turnèbe, Pierre Ramus, Jean Dorat, Denis Lambin, Jean Passerat, comme aussi par la reconnaissance qu’ils inspiraient à d’illustres auditeurs, un Joachim du Bellay, un Ronsard, un Baïf, un Jacques Amyot. Leurs méthodes d’enseignement étaient variées. Les uns faisaient surtout œuvre de critiques et d’éditeurs de textes ; d’autres commentaient, quelquefois éloquemment, comme Pierre Ramus, les orateurs ou les philosophes, les historiens ou les poètes de l’antiquité classique. Tous, ou presque tous, étaient vraiment des initiateurs en même temps que des érudits.

Cette bonne renommée de l’institution royale se soutint pendant les xviie et xviiie siècles. Le Collège vit alors se préciser son organisation et s’accroître ses chaires, au nombre d’une vingtaine à la fin de l’Ancien Régime.

Depuis le xviie siècle, les lecteurs royaux forment vraiment un corps, symbolisé par l’apparition, sur les affiches de cours, du nom définitif, sous sa forme latine : Collegium regium Galliarum. En 1610, le projet d’une demeure propre, élaboré sous Henri IV, connaît un début de réalisation : Louis XIII, âgé de 9 ans, pose la première pierre du Collège royal. Mais c’est seulement à la fin du xviiie siècle que Chalgrin le mènera à terme sur des plans entièrement remaniés ; les lecteurs royaux possèdent désormais, sur la place de Cambrai, un lieu spécifique où enseigner et relèvent directement du secrétaire d’État chargé de la Maison du roi.

En 1772, une décision royale réorganise entièrement la répartition des chaires de manière à intégrer les enseignements novateurs : physique de Newton, turc et persan, syriaque, droit de la nature et des gens, mécanique, littérature française, histoire, histoire naturelle, chimie – à côté des domaines de recherche déjà en place : médecine, anatomie, arabe, philosophie grecque, langue grecque, éloquence latine, poésie latine, droit canon, hébreu, mathématiques.

Le Collège de France semble viser à justifier l’ambitieuse devise de son blason : Docet omnia et, de fait, il a « vocation à tout enseigner ».

En même temps, son ouverture au monde et l’originalité de sa conception lui valent, presque seul entre les institutions de l’Ancien Régime, d’être épargné par la Révolution ; et, malgré plusieurs projets de réformation qui n’aboutirent pas, il se retrouve au temps de l’Empire, et par-delà, tel qu’il était auparavant, bénéficiant même d’une liberté accrue : la loi du 11 floréal an X (1er mai 1802) lui accorde en effet l’initiative de présentation des candidats, à l’origine de l’actuel système de cooptation. La souplesse de son organisation va lui permettre de s’adapter sans peine à des conceptions changeantes et de se prêter à tous les progrès.

Ainsi s’expliquent son extension considérable au cours du xixe siècle et son rôle dans le développement d’un grand nombre de sciences. En fait, sous une apparence inchangée, il a subi une réelle transformation qui se continue au xxe siècle. Elle s’est accomplie, comme il est naturel, en accord intime avec celle qui se produisait simultanément au-dehors dans presque tous les ordres de connaissance. Mais il est à noter que, très souvent, c’est le Collège de France qui a frayé ou élargi les voies nouvelles, et qu’il continue de le faire.

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géants

La région Nord Pas de Calais est le "pays des fêtes et des géants". Près de 300 d'entre eux vivent aux quatre coins du territoire régional. Ils sont les symboles des cités et peuvent représenter des héros imaginaires, des personnages historiques ou même des animaux.
Portés par une ou plusieurs personnes, ils se déplacent seuls ou en couple, quelquefois en famille, lors de leur jour de fête. En effet, chaque géant possède son jour de sortie, parfois depuis le XVIème siècle.
Les Géants naissent, grandissent, se marient, fondent une famille et meurent comme les hommes.

L'origine des géants est difficile à déterminer, de nombreux auteurs y font allusions dans leurs écrits. Mais en fait, le phénomène a quasiment toujours existé. Les géants du Nord Pas de Calais ne sont pas les seuls, ni les premiers, à avoir existés. Leur première trace remonte au XVIème siècle, avec les Gayants de Douai.

L'émulation favorise leur développement Jusqu'à la fin du XVIIème siècle où l'on voit l'élan s'atténuer à cause de l'Église puis de la Révolution. Les géants sont abandonnés sans toutefois disparaître complètement. La tradition renaît au XIXème siècle, en perdant complètement sa signification religieuse. Les géants symbolisent alors les fondateurs et les protecteurs des cités. C'est pendant le XXème siècle que le phénomène connaît son développement le plus important avec l'apparition de géants dans les cités de taille modeste.

L appareil de portage du géant se situe dans le panier. Un seul homme doit parfois porter jusqu'à 135 Kg.! Le poids est alors réparti sur deux points de portage : la tête et les épaules. Le porteur est alors à même de lui donner vie. de le faire balancer, danser, embrasser une géante. saluer la foule..

Ducasse, carnaval, fête médiévale et gastronomique, toutes les occasions de parader sont bonnes pour les géants. Fidèles au rendez vous les jours de réjouissance populaire, ils mettent en valeur le caractère particulier des jours de fête et réussissent à réunir immanquablement une foule de simples curieux ou de fervents fêtards.

Parmi les plus célèbres : Gayant de Douai (première naissance), Reuze Papa et Reuze Maman à Cassel, Martin et Martine à Cambrai, Binbin à Valenciennes, Bimberlot à Le Quesnoy, Gargantua à Bailleul, etc …

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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